Loi « Sécurité globale » : ce qui change pour les polices municipales

Philippe Pottiée-Sperry
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Décryptage juridique des conséquences pour les polices municipales de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, dite loi « Sécurité globale », par Thomas Chevandier et Aloïs Ramel, avocats au cabinet Seban & Associés.

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A quelles conditions sera-t-il désormais possible, pour certaines collectivités, de mutualiser les services de police ?

Publiée au Journal officiel du 26 mai, la loi « Sécurité globale » s’inscrit dans un contexte de dépassement progressif de l’échelon municipal en ce qui concerne la mise en œuvre des pouvoirs de police administrative. Le président de l’EPCI disposait déjà d’un pouvoir d’initiative partagé avec les maires pour le recrutement d’agents et la mutualisation des services de police municipale au niveau intercommunal, dès lors que l’EPCI comptait moins de 80 000 habitants. Ce seuil est désormais supprimé via une modification de l’article L. 512-1 du Code de la sécurité intérieure (CSI) et des ensembles de communes dont le total des habitants excède ce seuil pourront également mutualiser leurs services de police municipale, qu’ils appartiennent ou non au même EPCI.

En permettant également aux communes qui le souhaitent de se retirer de ces conventions sans effet sur son application sur les autres parties prenantes, la loi donne une souplesse au dispositif qui sera de nature à le rendre plus attractif (article L. 512-1, alinéa 3).

Pourquoi la loi introduit elle l’obligation d’effectuer un diagnostic préalable à la signature des conventions de coordination ?

Les conventions de coordination signées entre le préfet et les maires dans la mise en œuvre des forces de polices municipales étaient trop souvent des documents types. Elles devront désormais contenir un diagnostic préalable des problématiques de sûreté et de sécurité auxquelles sont confrontées les communes, ce qui devrait rendre ces conventions plus opérationnelles.

Qu’est-ce qu’un syndicat intercommunal en matière de police ?

L’article L. 512-1-2 nouveau du CSI offre désormais la possibilité aux communes, dès lors qu’elles sont limitrophes ou appartiennent à une même agglomération au sein d’un même département ou d’un EPCI, de « former un syndicat de communes afin de recruter un ou plusieurs agents de police municipale en commun, compétent sur le territoire de chacune des communes ». Ce sont les statuts des syndicats qui fixeront les modalités d’organisation et de financement de la mise à disposition des agents et de leurs équipements. La signature d’une convention de coordination des interventions avec les forces de sécurité de l’Etat devra être signée avec le représentant de ce-dernier dans le territoire. C’est là une des principales nouveautés du texte. Les décrets en Conseil d’Etat qui régiront la mise en œuvre de ces dispositions, puis surtout la pratique permettront d’identifier la portée de ces nouveaux syndicats.

La mise en place de ces syndicats limitera-t-elle les pouvoirs du maire ?

Cette modalité d’organisation plus intégrée des polices municipales ne va cependant pas jusqu’à priver le maire de l’autorité exercée sur lesdits agents du syndicat lorsqu’ils exercent leurs fonctions sur le territoire de sa commune. De même, les demandes de port d’arme pour les agents du syndicat devront être établies conjointement par l’ensemble des maires des communes et par le président du syndicat, conférant par là un droit de veto aux maires, à l’instar de ce qui prévaut dans les cas de simple mutualisation des services prévue par les dispositions de l’article L. 512-1 du CSI.

Sera-t-il possible de mutualiser les services de police en situation exceptionnelle ?

Une telle mise en commun temporaire était déjà possible dans trois cas limitativement énumérés : lors d'une manifestation exceptionnelle, notamment à caractère culturel, récréatif ou sportif ; à l'occasion d'un afflux important de population ; en cas de catastrophe naturelle. La présente loi a créé un régime assoupli de mutualisation des moyens, en cas de catastrophes naturelles ou technologiques afin, selon le député Alain Perea, auteur de l’amendement ayant introduit cette disposition dans le texte, « d’assurer une réaction rapide ».

En cas de catastrophes naturelles ou technologiques, les communes pourront mutualiser leurs moyens, non plus seulement dès lors qu’elles appartiennent à une même agglomération, mais seulement à condition d’appartenir à un même département, voire à un département limitrophe. Enfin, il sera possible pour les communes concernées de conclure au préalable une convention cadre avec le représentant de l’Etat dans le département, qui permettra d’autoriser ladite mise en commun sans attendre l’édiction d’un arrêté préfectoral préalable, ce qui permettra de renforcer sensiblement la réactivité du dispositif.

Que changent les dispositions relatives aux brigades cynophiles ?

Un rapport de la Cour des comptes relatif aux polices municipales avait identifié 178 brigades canines sans qu’aucune disposition n’en régisse l’utilisation. La présente loi a donc été l’occasion de créer un cadre juridique pour ces brigades. Selon le nouvel article L. 511-5-2 du CSI, la création de telles brigades intervient sur décision du maire, après délibération du conseil municipal, ou, s’agissant des EPCI, sur décision conjointe de son président et des maires des communes concernées.

En quoi la nouvelle obligation de service pour les agents de police municipale se distingue-t-elle du régime de la FPT ?

La loi comporte une disposition permettant d’imposer un engagement de servir au sein de la commune ou de l’EPCI qui a pris en charge sa formation d’une durée maximale de trois ans pour les agents de police municipale. L’agent peut être libéré de cette obligation s’il rembourse une somme correspondant au coût de la formation. Dans le même sens, le maire ou président d’EPCI peut l’en dispenser, exceptionnellement et pour des motifs impérieux.

Il s’agit là d’une exception au sein du droit de la fonction publique territoriale, qui fait peser le risque financier, en cas de mutation de l’agent dans les trois ans suivant sa titularisation, sur la collectivité qui le recrute.

Quels changements pour la police municipale parisienne ?

Les nouvelles dispositions désormais inscrites aux articles L. 511-2 et L. 533-1 et suivants du CSI ouvrent la voie de la création d’une force de police municipale à Paris. Les policiers municipaux bénéficieront de pouvoirs élargis et pourront constater par PV les contraventions aux arrêtés du préfet de police relatifs au bon ordre, à la salubrité, à la sécurité et à la tranquillité publiques (à l’exception toutefois des interdictions de manifestations sur la voie publique). Par ailleurs, l’article L. 533-5 dispose que les attributions dévolues en matière de police municipale au préfet sont exercées à Paris par le préfet de police : il s’agit en particulier de l’agrément des policiers municipaux et de l’autorisation de port d’arme.

Pourquoi le Conseil constitutionnel a-t-il censuré l’expérimentation du transfert de certaines compétences aux agents de police municipale ?

L’article 1er de la loi permettait, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, aux agents de police municipale d'exercer des attributions de police judiciaire en matière délictuelle. Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, considérant qu’elle est contraire à l’article 66 de la Constitution, qui dispose que « l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi », en raison du trop faible contrôle, ni direct, ni hiérarchique, exercé par le procureur sur les directeurs de police municipale.

Rappelons que, saisi de vingt-deux articles de la loi, le Conseil en a validé quinze, dont quatre ont fait l’objet d’une réserve d’interprétation, sept ont donc été totalement censurés, et deux concernent la partie sur les polices municipales.

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Philippe Pottiée-Sperry
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