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Macron défend son bilan en faveur des collectivités

Philippe Pottiée-Sperry
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« Lorsque l’Etat cadenasse les collectivités, limite leurs compétences, réduit leur autonomie, alors la décentralisation est moribonde, et les élus locaux sont réduits au rôle de figurants ». Toujours très sévère, André Laignel, réélu premier vice-président délégué de l’AMF, n’a pas mâché ses mots au moment de lire la résolution finale du dernier congrès des maires, le 18 novembre, devant le président de la République.
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Véhément au sujet des finances locales, il a lancé : « Nos budgets ne sont plus, en fait, que des budgets annexes de l’Etat ». Concédant jusque quelques « avancées » comme la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ou des programmes Action cœur de ville (ACV) et Petites Villes de demain (ACV), il a surtout concentré ses tirs contre un « mouvement de recentralisation qui s'opère depuis plusieurs années ». Sur le même registre, le nouveau président de l’AMF, David Lisnard, a pointé lui aussi une « extrême centralisation », particulièrement présente selon lui durant la crise sanitaire, et cela alors que « l'État n'est plus capable d'exercer la plupart de ses compétences auprès de la population ». Il a aussi fustigé « un dépouillement progressif des ressources et un démantèlement continu de la fiscalité locale depuis une douzaine d’année. Cette évolution se fait au détriment du lien civique que constitue le consentement à l’impôt ».

« Un pacte financier et fiscal de mandature avec l’Etat »

Déplorant une nouvelle fois les conséquences de la réforme de la taxe d’habitation, le maire de Cannes a estimé que cette « suppression est la dernière étape de la déstabilisation totale de notre système de fiscalité locale », jugé « à bout de souffle à force d’avoir été réparé et rafistolé au fil des années en affaiblissant chaque fois un peu plus sa cohérence ». Et d’enfoncer le clou : « Le système de compensation retenu fait supporter aux communes rurales le financement de la compensation des communes urbaines, et qui transfère une part de l’effort fait par les contribuables d’un territoire sur un autre n’a aucune chance de survivre très longtemps sans susciter contre lui une forte opposition ». En conséquence, le président de l'AMF réclame « un pacte financier et fiscal de mandature avec l’Etat qui pourrait se traduire par une loi de programmation financière des collectivités ». Parmi les objectifs affichés : donner aux collectivités de la visibilité sur leurs moyens et attribuer une ressource fiscale par niveau de collectivité. « L’AMF fera des propositions en la matière », a indiqué David Lisnard.

Territorialisation des politiques de santé

Par ailleurs, il a voulu tirer les leçons de la gestion de la crise sanitaire en défendant « une plus forte territorialisation des politiques de santé, un décloisonnement des offres sanitaires, médico-sociales et sociales, et une politique ambitieuse pour le grand âge ». Et de lancer : « Nous voulons aussi à nouveau être présidents des conseils d’administration des hôpitaux et non plus des potiches dans les conseils de surveillance ». Enumérant une longue liste des différents schémas et normes (Sraddet, PLUi, SCoT et PLU, ZAN...), il a fustigé cette complexité pour les maires, en estimant qu’« il est temps pour l'Etat de simplifier, pour rendre possible ce qui est nécessaire ». En matière de logement, il a critiqué des « lois quasi inapplicables » en plaidant pour que les communes et intercos puissent disposer de nouveaux « outils financiers et fiscaux » et d’une « capacité d'adaptation des règles aux réalités locales ». Prônant un « assouplissement des règles de l'intercommunalité », il veut que chaque EPCI reste libre de décider de la répartition des compétences avec les communes. Pas sur du tout que le projet de loi "3DS", en discussion à l'Assemblée nationale, début décembre, aille dans ce sens sachant la volonté des députés de revenir largement sur les modifications apportées par les sénateurs en juillet dernier.

Appel à un nouveau souffle de la décentralisation

Malgré ce long réquisitoire, le maire de Cannes a affirmé, en s'adressant au chef de l’Etat, que « l’AMF sera force de proposition et de débat pour une remise à plat de la fiscalité locale et du calcul des dotations ». Appelant à un nouveau souffle de la décentralisation avec une « loi de libertés locales », il a réclamé « de nouveaux transferts de responsabilités aux communes sur les politiques de proximité ». « Il ne s’agit pas de défiance vis-à-vis de l’Etat mais de la conviction des élus de terrain que le besoin de libertés locales n’a jamais été autant nécessaire dans notre pays, et cela face à un mouvement de recentralisation », s'est-il justifié. ». En ligne de mire : les trop nombreux appels à projets, « lancés dans des délais extrêmement courts, avec une bureaucratie souvent très pointilleuse, éliminant de facto une grande partie des communes ». Le maire de Cannes a défendu « une clarification des compétences du quotidien des communes notamment dans les domaines du logement, de la culture et du sport ». Et de préciser que l’AMF portera, dans le cadre du débat présidentiel, « la démarche d’une clarification de l’exercice des compétences du quotidien ». Dans sa résolution, l’association indique, en effet, qu’elle présentera ses propositions aux candidats, en souhaitant conclure avec eux « un pacte républicain ».

« La reconnaissance de la Nation »

En clôture du congrès de l’AMF, Emmanuel Macron a tout d’abord tenuu à rendre d’hommage à l’ensemble des maires pour leur rôle et leur « sens du devoir » durant les crises (Covid-19 et Gilets jaunes). Sur le front sanitaire, il a salué « notre capacité à tenir [qui] fut la vôtre, avec vos élus et vos agents, qui ont joué un rôle irremplaçable aux avant-postes de cette bataille. Je vous dis la reconnaissance de la Nation ». Non sans humour, il a reconnu qu’il y avait pu avoir « des malentendus au début » mais qu’il n’était pas le seul président de la République à ne pas avoir été maire. « J'ai compris qu'on honorait beaucoup le général de Gaulle ces derniers temps, il se peut qu'il ait eu le même défaut », a-t-il ainsi glissé. Par ailleurs, il a ironisé sur le réquisitoire d’André Laignel, en saluant « son esprit de mesure, sa justesse et son sens du détail » mais en affirmant qu’« il y a un problème d’information compte tenu de la résolution que vous avez lue tout à l’heure ». Le premier vice-président délégué de l'AMF n'a pas caché son mécontentement.

« Ce qui avait été dit a été fait »

Face aux critiques sur la suppression de la taxe d’habitation, le chef de l'Etat s’est (faussement) emporté en évoquant « un impôt formidable » car « l’État en était le premier contribuable ». Autres arguments avancés : un impôt « devenu injuste » et « mauvais pour les petites villes ». Il a aussi insisté sur le fait que cette suppression était compensée « à l'euro près ». De plus, Emmanuel Macron ne s’est pas privé de rappeler qu’il y n’avait pas eu de réduction de la DGF depuis 2017, et cela après la baisse de plus de 10 Md€ durant le mandat précédent. « Ce qui avait été dit a été fait », a-t-il martelé, en se référant à sa campagne électorale de 2017, pour évoquer la réforme de la taxe d’habitation ou de l’absence durant son mandat d’un nouveau « big bang territorial » comme le réclamaient, à l’unisson, toutes les associations d’élus. Il a aussi mentionné la loi « Engagement et Proximité » de décembre 2019, adoptée suite à la crise des Gilets jaunes, ayant « permis des avancées concrètes que vous attendiez depuis longtemps ».

Satisfaction de « contractualisations nouvelles »

Au-delà, le chef de l’Etat a surtout défendu le bilan de son action en faveur des collectivités. Parmi ses satisfecits : les « contractualisations nouvelles » avec les élus au premier rang desquelles les programme « Action cœur de ville » ou « Petites villes de demain ». Sinon, le chef de l’Etat n’a pas vraiment donné de réponses aux demandes de l’AMF, préférant justifier et argumenter les décisions prises et mises en oeuvre par l’exécutif. Par ailleurs, il a dénoncé le « débat mortifère » consistant à monter les élus contre l’État, en lançant : « L’État, c’est un tout. Le gouvernement, le Parlement, les élus locaux ». Et d’ajouter : « L’Etat, c’est vous aussi parce que vous êtes aussi agent de l'État, en même temps que vous êtes élu portant vos projets propres. (…). Gardons-nous de toutes ces forces de division, surtout dans la période. Je le dis avec beaucoup de force ».

Décentralisation et déconcentration

En matière de décentralisation, il a expliqué sur un ton un peu professoral que « ces dernières années, on l’a trop souvent confondu avec la délégation de compétences et ce n’est pas la même chose ». Selon lui, « sur la décentralisation, il faut que ce soit un vrai transfert des responsabilités qui vont avec, c’est-à-dire la capacité d’en décider les règles, à en bouger les normes et à en décider les financements ». En respectant ces conditions, Emmanuel Macron s’est dit alors ouvert pour « aller vers une décentralisation plus grande dans les domaines de la transition écologique et du logement ». Ouverture aussi en matière sanitaire en évoquant la construction de « solutions de santé publique à l’échelle des territoires ». Mais sans plus de précision. Le chef de l’Etat s’est fait plus l’avocat d'une déconcentration accrue, notamment pour « permettre aux préfets de disposer de tous les leviers pour apprécier les situations locales et faire davantage ». Selon lui, 90 % des décisions qui pouvaient l'être ont déjà été déconcentrées.

Report de l’application du ZAN ?

Evoquant certains dossiers particuliers, il a notamment confirmé l’annonce de son ministre de l’Agriculture sur l’abandon de la participation des communes forestières au budget de l’Office national des forêts (ONF) de 30 M€. Après la demande conjointe de l’AMF et de Régions de France pour reporter d’un an l’application du « zéro artificialisation nette » (ZAN) dans les Sraddet, prévue le 21 février 2022 par la loi « Climat », Emmanuel Macron a semblé y être favorable. Sans évoquer de report en tant que tel, il a dit vouloir « laisser le temps pour que ce soit bien fait ». Et de promettre « qu’on ne mettra jamais un maire devant un couperet ».

Philippe Pottiée-Sperry

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