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Projet de loi « Climat » : ce que veulent les élus locaux

Philippe Pottiée-Sperry
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Le projet de loi « Climat » doit débuter son examen en séance publique par les députés à compter du 29 mars. Après onze jours de travail, la commission spéciale mise en place sur ce texte à l’Assemblée l’a remanié en partie après l’examen de près de 4000 amendements.

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De nombreuses dispositions du projet de loi concernent au premier chef les collectivités, d’où les nombreuses prises de positions et amendements proposés par les associations d’élus locaux. « Pratiquement un article sur deux concerne les collectivités », a indiqué le rapporteur général du texte Jean-René Cazeneuve, au journal en ligne Contexte. Et d’ajouter : « C’est une loi très “collectivités locales-friendly”, car elle les implique. […] Elle leur donne la possibilité de faire ou de ne pas faire des choses ». Sur le sujet sensible de la réduction de l’artificialisation des sols (article 49), le député du Gers précise que le « droit à l’étalement urbain » sera calculé au niveau de chaque région, chargée du document de planification qu’est le Sraddet (schéma régional d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires), pour remplir l’objectif de réduction de 50% de l’artificialisation des sols.

Dès la phase d’examen du projet de loi par la commission spéciale, les associations d’élus locaux se sont beaucoup mobilisées, en particulier sur ce le sujet de l’artificialisation des sols. Elles saluent le fait que la territorialisation des objectifs fasse à présent partie du texte. Mais beaucoup reste à faire, selon elles. Notamment pour allonger le calendrier ou assouplir la procédure de révision des Sraddet.

Les demandes des régions

Si Régions de France salue « d’indéniables avancées », elle s’inquiète aussi de certaines contraintes du texte comme du « flou entretenu par d’autres dispositions ». L’association a ainsi présenté 16 propositions d’amendements aux députés. Concernant le titre II « Produire et travailler » (article 22), elle s’oppose à la fixation par décret d’objectifs régionaux de développement des énergies renouvelables, au nom du principe de libre administration des collectivités. Et de dénoncer qu’il soit « fait table rase des concertations menées avec les acteurs des territoires coordonnées par les régions compétentes en matière de planification. Les Sraddet, fruits d’une large concertation avec l’ensemble des parties prenantes du territoire régional, et approuvés par le préfet, prévoient déjà de tels objectifs ». Régions de France demande donc la suppression de cette disposition et l’allongement de six mois à un an du délai d'actualisation de leur plan pour prendre en compte les nouveaux objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie.

Massification de la rénovation énergétique

En matière de mobilités, les régions défendent la réduction de 10% à 5,5% du taux de TVA dans les transports publics collectifs. Elles souhaitent aussi que soit clairement affirmé dans la loi le soutien financier de l’Etat aux infrastructures favorisant le report modal. Sur le logement, les régions demandent la réaffirmation de leur rôle de coordination - déjà à l’œuvre pour la mise en œuvre du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH) -, en précisant que cette mission inclut la coordination du réseau des guichets d’information, de conseil et d’accompagnement à la rénovation énergétique. « C’est une garantie du résultat attendu de massification de la rénovation énergétique performante au bénéfice de nos concitoyens sur l’ensemble du territoire », argumente Régions de France. Enfin, en matière de réduction de l’artificialisation des sols, elle appelle à un desserrement des délais prévus par le texte pour atteindre l’objectif mais aussi au respect des attributions des régions, des intercos et des communes en matière de planification et de droit des sols.

L’AdCF appelle à « une approche plus contractuelle »

Tout en reconnaissant justifié l’objectif du projet de loi sur la réduction des consommations foncières, l’AdCF (Assemblée des communautés de France) pointe des réponses « trop uniformes et paradoxalement moins contraignantes pour les territoires ayant connu les plus fortes consommations au cours de la dernière décennie ». Les délais prévus pour la révision des documents de planification (Sraddet, Scot, PLU/PLUi) ne lui semblent pas réalistes et tendent à « surestimer la capacité d’atteindre la sobriété foncière par ce seul moyen ». Sur ce sujet sensible, l’AdCF propose « une méthode beaucoup plus contractuelle, adaptée à la diversité des contextes locaux, et favorisant de nouvelles manières d’aménager l’espace, de se loger et de se déplacer ». Selon elle, les politiques de sobriété foncière devront être conciliées, territoire par territoire, avec des besoins de construction de logements (notamment sociaux) et de capacités d’accueil d’activités économiques, notamment industrielles. « Il faudra veiller à ne pas renchérir les coûts immobiliers et fonciers déjà très élevés », ajoute-t-elle. L’AdCF appelle donc au renforcement des moyens réglementaires et budgétaires permettant le recyclage foncier et la requalification urbaine.

A noter que l’association avait adopté une motion spécifique sur la réduction de l’artificialisation des sols, adressée aux parlementaires le 9 mars, soulignant le caractère peu opérant et peu réaliste des dispositions de l’article 49 du projet de loi. Ces contre-propositions avaient été préparées en lien avec France urbaine, la Fédération nationale des Scot et la Fédération nationale des agences d’urbanisme. L’AdCF plaide notamment pour que les futurs contrats de relance et de transition écologique (CRTE) comprennent un volet spécifique consacré à ce sujet.

Critiques envers trop de nouvelles obligations

Par ailleurs, l’AdCF souligne que les intercos sont concernées directementpar de nombreuses dispositions du projet de loi Climat compte tenu de leurs compétences : déchets, mobilités, logement, eau, assainissement et milieux aquatiques, plans climat air énergie territoriaux (PCAET), planification de l’urbanisme et de l’aménagement (PLUi, SCOT), réglementation de la publicité extérieure… S’inquiétant des nombreuses obligations nouvelles, de moyens ou de résultats, prévues par le texte, elle demande que soient mis en débat, durant les discussions parlementaires, « le réalisme des échéances prévues pour y faire face, l’effectivité des leviers réglementaires qui seront à la disposition des élus ainsi que l’adéquation et la pérennisation des moyens budgétaires mobilisés notamment dans le cadre du plan de relance et des futurs contrats de relance et de transition écologique ».

Eviter une approche exclusivement normative

Plus globalement, l’AdCF regrette que les travaux de la convention citoyenne pour le climat n’aient pas davantage auditionné les représentants des collectivités, ce qui se ressent, selon elle, dans les orientations du projet de loi « en ne tenant pas assez compte de l’existant, de la diversité des territoires et de la réalité des capacités d’agir au niveau local ». Pour éviter une approche exclusivement normative et descendante de la transition écologique et énergétique, l’association plaide ainsi pour « une méthode plus incitative, mobilisant dans nos territoires l’ensemble des acteurs à faire évoluer nos pratiques de consommation et modes de production ». De plus, elle demande de l’accompagnement pour construire une ingénierie technique et financière dans les territoires sous-dotés et pour aider les filières économiques à monter en compétence.

Villes de France demande plus de moyens

Pour sa part, Villes de France (villes moyennes) demande des financements pérennes et des simplifications des procédures « pour être crédible dans les objectifs à atteindre ». Alors que l’avenir du projet de loi 4D est encore incertain, l'association dit rester favorable à une différenciation pour les collectivités qui souhaiteraient, par expérimentation, aller au-delà du projet de loi Climat devant constituer un socle. Concernant l’artificialisation des sols, elle alerte sur « la nécessité de prendre en compte l’avancée hétérogène des collectivités en définissant des règles uniformes à l’échelle nationale de façon à ne pas pénaliser les plus engagées d’entre elles ». Villes de France demande une simplification des procédures, un accompagnement en ingénierie et plus de financements. Tout en saluant le fonds « friche », elle le juge insuffisant et demande son abondement « pour répondre aux besoins des villes moyennes et de leurs intercommunalités ».

Le 23 février, Jérôme Baloge, maire de Niort et président du groupe de travail « Transition écologique » de Villes de France, avait été invité à une table-ronde à l’Assemblée nationale. Soulignant les attentes fortes des collectivités en matière d’accompagnement financier et en ingénierie, il a insisté sur « la nécessité d’une cohérence entre les dispositions du projet de loi, les incitations financières du gouvernement et le plan de relance ».

La contribution de l’APVF aux députés

Autre association d'élus, l'APVF (Association des petites villes de France) a également transmis une contribution aux députés. Même si elle salue certaines avancées comme la police de publicité pour les maires ou la prise en compte des critères environnementaux dans la commande publique, elle demande aux parlementaires de « rehausser l’ambition générale du texte, notamment les dispositifs relatifs aux collectivités ». L’APVF insiste tout d’abord sur l’objectif de lutte contre l’artificialisation des sols qu’elle partage mais qui implique de la différenciation et de la territorialisation. Sur la question du service public de la performance énergétique de l’habitat, « les territoires ont avant tout besoin de flexibilité mais aussi de moyens aussi bien financiers qu’humains », affirme-t-elle. Concernant les mobilités, elle demande de « bien accompagner la décarbonation des transports pour ne pas pénaliser le tissu économique local et bien associer les élus des petites villes aux décisions prises ».

Par ailleurs, l’APVF regrette que le projet de loi fasse l’impasse sur plusieurs sujets comme la décarbonation de l’agriculture et de l’économie pour « développer une industrie verte et locale ». Elle demande aussi une fiscalité au service du climat et des territoires qui passerait par une TVA à taux réduit sur les transports collectifs ou les circuits courts. Enfin, la création d’une dotation écologie permettrait, selon l'APVF, de financer de nombreuses initiatives locales.

Philippe Pottiée-Sperry

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