Recul de l’accès aux services publics

Philippe Pottiée-Sperry
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Le Défenseur des droits, Jacques Toubon, a rendu public, le 8 juin, son rapport d’activité 2019, publication qui a été repoussée en raison des conséquences du confinement sur les conditions de travail de l’institution.

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Du coup, il joint à son rapport, un compte rendu de son activité entre le 16 mars 2020 et le début de juin. « La situation sanitaire a mis en lumière et amplifié les inégalités auxquelles les publics les plus vulnérables sont confrontés en permanence, estime le Défenseur des droits. L’égalité dans l’accès aux droits n’est pas une réalité pour toutes et pour tous ».

Concernant son rapport annuel, l’institution a reçu, en 2019, 103 066 réclamations (+7,5% par rapport à 2018 et +40% depuis 2014). 80% des règlements amiables qu’il a engagés ont abouti favorablement.

Ruptures d’égalité entre les usagers

Pour sa mission de défense des droits des usagers de services publics, le Défenseur des droits a reçu 62 000 réclamations (+9,5% de plus qu’en 2018 et +78,4% depuis 2014). Elles confirment « l’ampleur des effets délétères de l’évanescence des services publics sur les droits des usagers », juge-t-il sévèrement. Principal reproche : « le recul de la présence humaine aux guichets des administrations et la dématérialisation des démarches administratives ont été une fois encore la source de nombreuses ruptures d’égalité entre les usagers et de discriminations, telle que la discrimination territoriale ».

Ces dernières années, les services publics ont vu leur périmètre d’action et leurs moyens budgétaires se réduire, et certaines démarches administratives ont été déléguées à des sociétés privées.

Stationnement payant sur voirie : des inégalités de traitement

Depuis 2018, les collectivités territoriales sont compétentes pour gérer le stationnement payant sur voirie. Or, les réclamations adressées au Défenseur des droits montrent que cette réforme engendre des inégalités de traitement en fonction de la collectivité et du gestionnaire délégataire, parfois privé. Un forfait de post-stationnement (FPS) peut être contesté au moyen d’un recours administratif préalable obligatoire (RAPO). Or, le Défenseur des droits a constaté de nombreux retards dans le traitement des RAPO entraînant, pour les usagers, de lourdes conséquences financières.

De la même manière, de nombreux usagers se sont vu délivrer des FPS indus, par exemple suite à une mauvaise lecture de l’heure de stationnement maximale autorisée ou de la carte de mobilité réduite. Exemple d’un règlement amiable lié à un FPS : une réclamante a été destinataire d’un FPS alors qu’elle avait prêté son véhicule à son père détenteur d’une carte de stationnement pour personnes en situation de handicap. Celui-ci a alors introduit un RAPO auprès du prestataire mandaté par la ville pour solliciter l’annulation de cette redevance. Son recours rejeté, il a saisi le Défenseur des droits qui a adressé son argumentation à la mairie. Cette dernière a procédé à l’annulation du FPS litigieux.

Des droits sociaux contestés

Pour la défense et la protection des droits des plus vulnérables, le Défenseur des droits participe, depuis 2018, à l’expérimentation de la médiation préalable obligatoire (MPO), qui offre à un public précaire, pour lequel l’accès au juge est souvent difficile, la possibilité d’une médiation rapide et gratuite pour contester une décision liée à certains droits sociaux. En un an, environ 500 demandes lui ont été adressées (43% de RSA et 31% d’APL). Cependant, malgré des résultats satisfaisants, « les conseils départementaux et organismes sociaux se bornent trop souvent à une stricte application de la règle de droit et écartent les dossiers dans lesquels une fraude est suspectée », regrette le Défenseur des droits.

Le Défenseur des droits a reçu 3016 réclamations relatives aux droits de l’enfant, soit 21% de plus qu’en 2014. Il a alerté sur la question des violences subies par les enfants au sein des institutions publiques dans son rapport relatif aux droits de l’enfant en 2019. Autre alerte sur le nécessaire respect du droit à l’éducation, notamment au regard des réclamations liées au refus d’accès à l’école et à la cantine.

En matière de déontologie de la sécurité, le Défenseur des droits, a reçu 1957 réclamations pour l’année 2019 (+178% depuis 2014). L’institution qui exerce un contrôle externe sur le comportement professionnel des forces de sécurité conformément au code de sécurité intérieure plaide pour un renforcement de la relation de confiance et une plus grande transparence entre les forces de sécurité et la population, que ce soit dans le cadre du maintien de l’ordre, de l’enregistrement des plaintes, ou des contrôles d’identité.

Mieux protéger les lanceurs d’alerte

En matière de protection et d’orientation des lanceurs d’alerte, le Défenseur des droits s’est mobilisé pour une transposition dans le droit français de la directive européenne sur la protection des lanceurs d’alerte. Il continue de demander au gouvernement de « se saisir de la directive pour permettre à la France de se doter d’une législation claire, opérationnelle et accessible à tous, qui soit à la hauteur de l’enjeu démocratique, de liberté d’expression et d’information, que représente le développement de la culture de l’alerte et la protection effective de ceux qui prennent des risques pour dénoncer des atteintes à l’intérêt général ».

Depuis déjà plus de trois ans, le Défenseur des droits pointe régulièrement les fragilités du système français de protection des lanceurs d’alerte. Il demande d’harmoniser les régimes de protection comme les mécanismes d’alerte et d’informer les citoyens sur leurs droits nouveaux de manière claire et publique. S’il appelle à préserver certaines avancées issues de la loi Sapin II du 9 décembre 2016, en particulier une définition large du lanceur d’alerte, le Défenseur des droits recommande que le gouvernement ne s’en tienne pas à une transposition stricte de la directive, « mais allant au-delà et clarifie le rôle des personnes morales dans le processus de lancement des alertes (ONG, syndicats) et inclue au niveau national un dispositif spécifique d’alerte relatif aux questions de sécurité nationale et de secret défense ». Enfin, il insiste sur les « moyens humains et financiers conséquents » que demande la protection des lanceurs d’alerte.

P.P.-S.

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Philippe Pottiée-Sperry
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