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Réforme de la PSC : la balle dans le camp des collectivités

Philippe Pottiée-Sperry
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Un an après la parution de l’ordonnance du 17 février 2021 qui rend obligatoire la participation des employeurs publics à la la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics, mettant fin au passage à l’inégalité avec le secteur privé, les modalités tant attendues sont enfin connues pour la fonction publique territoriale !

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Parmi les modalités de la participation des employeurs publics à la la protection sociale complémentaire (PSC) des agents publics, il y a le montant minimal de participation qui est fixé en santé à 15 € et en prévoyance à 7 €, au lieu de 5,40 € dans la première proposition. Après moult rebondissements, le projet de décret, dont le passage a été voulu par la ministre Amélie de Montchalin le 16 février au CSFPT, a été adopté, avec une abstention ou un vote contre des organisations syndicales, à l’exception de FO qui a voté pour, non sans incidences pour l’intersyndicale. Objectif : une meilleure protection des agents territoriaux encore souvent non couverts et pouvant se retrouver en grande précarité. Les attentes sont particulièrement fortes en matière de prévoyance (incapacité de travail, invalidité, inaptitude et décès).

Montant plancher faible en prévoyance

Ces montants, inférieurs au secteur privé et à la fonction publique d’État, demeurent un point de crispation pour les organisations syndicales, qui continuent de les juger « insuffisants et indigents », surtout en matière de prévoyance. « Nous sommes dans un contexte d’inflation du coût de la vie qui s’accélère très fortement, avec le point d’indice qui n’a pas augmenté et des personnels qui ont du mal à joindre les deux bouts à la fin du mois », déplore Damien Martinez de la CGT services publics. Selon lui, « si le delta est trop important entre le coût de la cotisation et la prise en charge minimum, les agents ne vont pas se couvrir parce que le reste à charge sera trop important. Et ces 7 € aujourd’hui ne seront pas les 7 € de 2025 ». « Pour notre association, la prévoyance c’est la priorité et il est vrai que ce montant plancher est assez faible », reconnaît Bruno Jarry, vice-président de l’Association des DRH des grandes collectivités (ADRHGCT). De son côté, Patrick Coroyer, président de l’Association nationale des DRH des territoires (ANDRHDT), estime que « c’est un montant nécessaire d’amorçage, pour obliger les collectivités à le faire et une nécessité pour les agents ».

Une marge de négociation au niveau local

Le problème, selon Philippe Laurent, porte-parole de la coordination des employeurs (1) et président du Conseil supérieur de la FPT (CSFPT), « ce ne sont pas les 7 € mais la participation fixée à 20 % par l’ordonnance. Dès le départ, il s’agissait d’un minimum insuffisant. Ce qui veut dire que si on veut que ça marche, les employeurs seront amenés à participer bien au-delà des 7 €. Je comprends toutes les positions mais encore une fois c’est un minimum ». Et d’ajouter : « La position des employeurs territoriaux, et en particulier de l’AMF, est de laisser une marge de négociation au niveau local ». La balle est donc dans le camp des collectivités, sans oublier les centres de gestion. Il revient aux employeurs de considérer ce sujet de la PSC de leurs agents à sa juste valeur, au regard de leurs besoins.

Place au dialogue social

Il faut rappeler que rien n’obligeait à aller vite sachant que la réforme pour la territoriale n’entrera en vigueur qu’à partir de 2025 en prévoyance et de 2026 en santé. Mais le gouvernement en a décidé autrement – l’effet du calendrier électoral ? – faisant fi de l’accord décidé début janvier entre les employeurs et les syndicats. Au lieu de discussions entre eux par thématique, prévues tous les 15 jours entre le 28 janvier et le 9 mars, une seule réunion s’est tenue le 28 janvier. Dans l’attente d’un accord de méthode sur la suite des négociations (décret du 8 novembre 2011, dispositif dit de revoyure sur les paniers de référence au plus tard en 2024...) qui serait signé par plusieurs organisations syndicales, le sujet pèsera donc au niveau du dialogue social local tout autant pour les collectivités qui ne participent pas que pour celles qui participent déjà. Si certaines ont entamé les discussions et même tenu le débat obligatoire sur la PSC, qui pour rappel devait être organisé avant le 18 février 2022 !, toutes ne l’ont pas fait, attendant notamment le projet de décret.

Une remise à plat

Mais le feront-elles, sachant qu’il n’y a à ce jour pas de sanction prévue ? Et quelle en sera la teneur ? Quelle négociation enfin pour les plus petites collectivités ? Encore une fois, ce sera aux employeurs d’en décider, non sans imaginer une éventuelle pression des syndicats, et d’en prendre la responsabilité, au regard des enjeux multiples - santé, sociaux, RH, d’attractivité... - de la PSC. « Même si la collectivité est déjà engagée, c’est l’opportunité d’une remise à plat, estime Bruno Jarry (ADRHGCT). L’ordonnance insiste par exemple beaucoup sur des accords collectifs et cela va sans doute engager des pistes nouvelles. » Pour sa part, Patrick Coroyer (ANDRHDT) interpelle sur « le contenu des contrats et les risques de plus-value ou d’enchère des contrats ». Côté calendrier, les collectivités qui partent d’une feuille blanche ou presque auront donc plusieurs mois devant elles pour travailler à la mise en application de la réforme à partir de 2025, ou avant si elles le souhaitent. La question se posera en revanche pour les celles qui disposent d’une convention en cours ou qui viendront juste de la renouveler.

Les autres mesures du projet de décret

Outre les montants de participation, le projet de décret précise le contenu du panier minimal de soins en santé et les modalités de couverture du risque prévoyance pour la couverture des risques d’invalidité et d’incapacité temporaire de travail. S’agissant du risque invalidité, le montant de rente serait ainsi limité à 90 % du traitement net et pour les contractuels, cela concernerait les agents justifiant d’un taux d’incapacité au moins égal à 66 %. Pour l’incapacité temporaire de travail, les indemnités journalières devraient garantir une rémunération (à compter du passage en demi-traitement) à 90 % du traitement brut et 40 % du régime indemnitaire.

Maintien d’accords préexistants plus favorables

Une clause de revoyure, fixée à douze mois au lieu de six, a été intégrée au projet de décret, ainsi que la possibilité pour les employeurs mieux-disants de maintenir les accords préexistants s’ils sont plus favorables. « Ce texte porte une évolution significative au regard de celui qui devait être présenté en décembre dernier », a tenu à souligner la ministre Amélie de Montchalin, lors de la présentation du texte au CSFPT le 16 février, citant aussi « la place fondamentale de la négociation locale ». Enfin, un autre point important n’a pas été précisé dans le projet de décret : les bénéficiaires couverts. Nul doute que des précisions seront apportées notamment s’agissant des agents retraités. Les organisations syndicales avaient d’ailleurs demandé « la mise en place des dispositifs de solidarité pour les agents retraités, sur le modèle de fonds de solidarité ».

Estelle Mallet-Chevassu

(1) AMF, ADF, Régions de France, AdCF, France urbaine, Villes de France, APVF, AMRF, CNFPT, FNCDG et Collège employeurs du CSFPT.

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