Temps de travail : 75% des collectivités déjà alignées (ou presque) sur le privé

Philippe Pottiée-Sperry
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Cela sera surement une surprise pour les détracteurs de la gestion des collectivités locales ! A ce jour, 57% des collectivités appliquent déjà le régime légal du temps de travail de 1607 heures annuelles et 18% s’apprêtent à le faire, selon le 10ème baromètre RH des collectivités locales (1), mené par le Pôle public du groupe Randstad France en partenariat avec Villes de France, l’Assemblée des communautés de France (AdCF) et l’Association nationale des DRH des territoires (ANDRHDT).

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En clair, elles n’ont pas attendu la nouvelle loi « Fonction publique » du 6 août 2019 qui impose la fin des régimes dérogatoires à la durée légale du temps de travail au plus tard le 1er janvier 2022. Seul un quart des administrations locales n’a pas encore engagé de processus de rattrapage.

Critiques de la Cour des comptes

Depuis plusieurs années, la Cour des comptes fustige régulièrement les collectivités pour la persistance de régimes dérogatoires au temps de travail, inférieurs aux 1607 heures annuelles légales. Ils représenteraient un surplus de 35 000 agents au sein de la fonction publique territoriale. Mais durant les débats de la loi « Fonction publique », Philippe Laurent, maire de Sceaux et président du Conseil supérieur de la FPT, avait tenu à rappeler certaines spécificités du secteur public local : « Les fonctionnaires travaillent souvent plus que les 1607 heures légales, et les écarts constatés sont généralement dus à la diversité des métiers et aux contraintes et sujétions particulières de certains postes. »

Priorité de la maîtrise de la masse salariale

Contexte budgétaire tendu et baisse des dotations de l’Etat sous le précédent quinquennat expliquent en grande partie l’anticipation de nombre de collectivités. « L’alignement du temps de travail sur les 1607 heures est un chantier que les villes de taille intermédiaire ont entamé au moins depuis 2014, en particulier en raison de l’attrition de leurs ressources (réduction de la DGF de près de 11 Md€ entre 2014 et 2017) », explique ainsi Caroline Cayeux maire de Beauvais et présidente de Villes de France.« Les dirigeants territoriaux continuent à placer en tête de leurs priorités la maîtrise de la masse salariale et des effectifs, tout en étant plus vigilants sur la qualité de vie au travail des agents et le service rendu aux usagers », analyse Aline Crépin, directrice du Pôle public du groupe Randstad France. Et d’ajouter : « Dans ce contexte, ils ont intégré que la fin des régimes dérogatoires à la durée légale du travail constitue un levier très efficace. Ceux qui ont fait le choix de la concertation ont pu assurer une transition en douceur, sans impacter le climat social. Les intercommunalités, les grandes communes et les conseils départementaux et régionaux doivent encore faire un effort sur les 1607 heures. Mais au global, les collectivités ont pris de l’avance ».

Petites communes, les bons élèves

Alors que la loi s’apprête à mettre un terme aux régimes dérogatoires à la durée légale du travail, les collectivités territoriales ont donc globalement bien anticipé ce basculement. Mais avec de nettes disparités en fonction de la taille. Ce sont les petites communes, de moins de 5 000 habitants qui ont fourni le gros des efforts. 80% d’entre elles ont aligné le temps de travail de leurs agents sur le régime légal, ou sont en passe de le faire. Mais plus les collectivités sont grandes, plus on relève de régimes dérogatoires. Ainsi, près du tiers des communes de plus de 50 000 habitants (32%) et des conseils régionaux et départementaux (31%) affichent un temps de travail annuel inférieur aux 1607 heures, et n’a pas encore envisagé d’évolution.« Les 1607 heures sont devenues un symbole, mais elles ne doivent pas faire oublier l’essentiel. Nos efforts doivent se concentrer sur l’organisation du temps de travail et l’accompagnement des agents pour que ces heures soient utilisées au mieux au service des usagers », estime Patrick Coroyer, président de l’ANDRHDTAprès trois années d’efforts soutenus pour réduire leurs effectifs, les collectivités entament le processus de stabilisation de leurs équipes. Plus d’une sur deux (53%) prévoit de les maintenir à leur niveau actuel. Un quart (24%) prévoit encore des hausses et 22% une poursuite de l’effort de rationalisation. Dans ce contexte, ce sont surtout les régions et départements qui entendent poursuivre la réduction de leurs effectifs. Ainsi, 66% d’entre eux projettent des baisses en 2019. En revanche, 42% des agglomérations continuent de projeter des hausses d’effectifs pour assurer leurs missions, également en augmentation.

Recrutement : les difficultés s’accentuent

Autre enseignement du Baromètre RH, les administrations locales sont confrontées à des difficultés de plus en plus prononcées pour s’attacher les compétences dont elles ont besoin. Elles sont deux sur cinq (39%) à rencontrer fréquemment des soucis de recrutement, un taux en progression de 8 points sur un an. Témoin de l’aggravation de la situation, elles n’étaient que 16% dans ce cas en 2015.Le transfert de compétences et l’impact de plus en plus prégnant du numérique poussent les administrations à intégrer de nouveaux métiers, monter en gamme et rechercher de nouvelles compétences. Dans ce contexte, ce sont les conseils départementaux et régionaux (54%) et les intercommunalités (45%) qui sont le plus fortement impactés par les difficultés de recrutement.C’est en priorité le manque de candidatures pour certains postes qui préoccupent les collectivités. Elles sont 7 sur 10 (71%) à avoir été confrontées au problème, soit une augmentation de 12 points en à peine un an (59% en 2018). Plus de la moitié (57%) continue à avoir du mal à attirer les profils adaptés aux offres proposées. Le niveau de rémunération constitue également « un point d’attention ». 56% des sondés l’identifient comme un frein majeur à l’attractivité de la FPT. Un indicateur en hausse de sept points sur un an (49% en 2018). Enfin, les collectivités se sentent concurrencées dans leur démarche de recrutement, par des administrations locales plus attractives (35%) bien sûr mais également, et c’est nouveau et lié aux métiers recherchés actuellement, par les acteurs privés (22%). On pense ici notamment aux ingénieurs ou à certains métiers sociaux. Dans ce contexte de difficultés à identifier et attirer les compétences, les collectivités n’hésitent plus à recourir au travail temporaire. Près d’un tiers d’entre elles (31%) y a eu recours dans les deux dernières années. Un taux en progression constante, puisqu’elles étaient 27% dans ce cas en 2018.Ce sont les communes de moins de 50 000 habitants et surtout les intercommunalités qui y ont le plus recours, respectivement 30% et 34%.

Les outils de la loi « Fonction publique » plutôt bien accueillis

Parmi certaines dispositions de la loi du 6 août 2019, présentées par le gouvernement comme de nouveaux leviers de gestion RH, toutes ne sont pas perçues de la même manière. La possibilité de proposer une rémunération plus attractive en fonction de la performance des agents est largement plébiscitée (78% des sondés la jugent utile) ainsi que la création d’un mécanisme de rupture conventionnelle (67%) ou la création du contrat de projet (64%). En revanche, l’élargissement des possibilités de recours aux contractuels est jugé utile par seulement 45% des collectivités (33% concernant les postes de direction).Philippe Pottiée-Sperry
(1) Enquête en ligne, réalisée entre le 30 avril et le 3 juin 2019 auprès d’un fichier qualifié de responsables de collectivités (élus, DGS, DGA, DRH, secrétaires généraux et secrétaires de mairie). 623 réponses exploitées : 168 petites communes, 242 communes moyennes, 28 grandes communes, 159 EPCI, 26 départements et régions.
Philippe Pottiée-Sperry
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