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Territoires unis plaide pour « plus de libertés locales »

Philippe Pottiée-Sperry
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Les présidents de l’AMF, l’ADF et Régions de France (RdF), réunis sous la bannière de Territoires unis, se sont retrouvés le 8 juillet, au Sénat en présence de son président, Gérard Larcher, pour demander une nouvelle fois plus de décentralisation.

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Mais avant cela, ils ont tenu à souligner que, durant la crise sanitaire, les trois niveaux de collectivités qu’ils représentent (commune, département et région) « ont prouvé leur réactivité, leur adaptabilité et leur opérationnalité pour proposer et mettre en œuvre des solutions à des difficultés qui ne relevaient pas toujours de leurs compétences ». Un satisfecit à l’opposé de leur jugement sur les services de l’Etat s’étant caractérisés par leur « cloisonnement, émiettement et éloignement progressif » qui « limitent leur capacité d’intervention rapide ». « Les départements et les collectivités ont montré une exceptionnelle solidité et une grande efficacité lors de la crise, affirme Dominique Bussereau, le président de l’ADF. Ils apparaissent aujourd’hui comme les principaux acteurs de la proximité ».

Autre critique sévère de Territoires unis : « l’Etat n’est plus en capacité d’agir lui-même que dans des missions spécialisées et dans un mode d’intervention très vertical et autarcique ». Et de pointer en particulier les ARS, dont l’action a été « focalisée sur les hôpitaux publics, sans vision stratégique du rôle de la médecine de ville et de l’hospitalisation privée ni prise en compte du médico-social ».

« Une très grande loi pour plus d’efficacité »

Selon leur lecture des leçons de la crise sanitaire, la mise en œuvre du principe de subsidiarité apparaît plus que jamais utile. En présentant sa contribution, intitulée « Plus de Libertés Locales pour plus d’efficacité », Territoires Unis a aussi tenu à rappeler que « le Grand débat n’a débouché que sur des mesures techniques de portée limitée, et à l’évidence les conclusions de la crise des gilets jaunes n’ont pas été tirées ». Selon les trois présidents, « l’essentiel reste donc à faire pour installer durablement une République décentralisée dans laquelle un Etat qui reste fort sur ses compétences régaliennes accepte en confiance de laisser aux trois niveaux de collectivités le soin de concevoir, les moyens de financer et la responsabilité de mettre en œuvre les principales politiques publiques qui organisent la vie quotidienne de nos concitoyens ». Selon Territoires unies, la formation d’un nouveau gouvernement constitue « une opportunité de rouvrir ce débat ». « Nous ne sommes pas dans la polémique, insiste Renaud Muselier, le président de Régions de France. Nous faisons des propositions ensemble, concrètes et pragmatiques sur la décentralisation, pour être efficaces ». « Nous sommes parvenus, ensemble – communes, départements et régions – à une vision commune pour engager une très grande loi pour plus de libertés locales et pour plus d’efficacité », ajoute François Baroin, le président de l’AMF.

Egalement présent le 8 juillet, Philippe Laurent, secrétaire général de l’AMF, a lui plaidé pour « passer d’une décentralisation d’exécution à une décentralisation de responsabilité, par exemple en matière de santé ». C’est la nouveauté par rapport à sa précédente contribution, et suite à la crise sanitaire, Territoires Unis demande plus de responsabilités et de compétentes en matière de santé, en formulant des propositions très détaillées.

« Décentraliser une partie du système de santé »

Regrettant que le Ségur de la santé se réduise surtout à une approche hospitalière, les trois présidents d’associations d’élus défendent une organisation territoriale de la santé publique et d’accompagnement médico-social décliné sur les trois niveaux, jugés complémentaires, de la commune, du département et de la région. Ils demandent ainsi de « décentraliser une partie du système de santé pour l’adapter aux réalités locales et le rendre plus démocratique, plus efficace et plus réactif ». Et de prôner le renforcement de la place des élus locaux au sein de la gouvernance des hôpitaux (remise en place des conseils d’administration) et des différents outils locaux d’élaboration et/ou de déclinaison des politiques de santé : projets territoriaux de santé (PTS), communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), conseils locaux de santé (CLS), conseils locaux de santé mentale (CLSM), groupements hospitaliers de territoires (GHT)…

« Nous demandons de l’efficacité, affirme François Baroin. Sur la santé, il faut abandonner la lecture comptable et budgétaire. Il faut changer la gouvernance. Le maire doit revenir au cœur du dispositif ». Autre demande formulée par Territoires unis : limiter le rôle des ARS au secteur sanitaire et confier aux départements le rôle de pivot des politiques médico-sociales et sociales. Il est ainsi proposé un rôle de chef de file pour le département avec le déploiement d’agences départementales des solidarités (ADS) qui seraient placées sous le pilotage des conseils départementaux (après expérimentation).

Enfin, les régions préconisent de se voir attribuer des compétences propres en matière sanitaires et de revoir la gouvernance des instances sanitaires régionales. Le préfet aurait un rôle de coordinateur en cas de crise sanitaire et la région serait le chef de file avec un rôle d’interface entre l’État et les territoires. En plus de ces nouvelles compétences, les régions possèderaient une cotutelle sur les ARS.

Les « 4E » pour les régions

Dans la présentation par Territoires unis d’un nouvel acte de décentralisation, Renaud Muselier défend les « 4E » : « Europe, avec la négociation de la prochaine génération des fonds européens, dont les régions sont autorité de gestion ; Économie, pour conforter le rôle des régions comme chefs de file de l’action économique territoriale ; Emploi, pour confier aux régions le pilotage de ces politiques, essentielles dans la crise ; Environnement, pour faire des régions les chefs de file des politiques de transition écologique ».

Tous les élus présents le 8 juillet estiment que la crise sanitaire mais également économique et sociale impose d’agir en commun pour la relance. « Face à l’importance de ces crises, l’État ne pourra pas répondre seul. C’est avec des collectivités mobilisées dans leur champ de compétence qu’on pourra y répondre », a ainsi fait valoir François Bonneau, président délégué de Régions de France.

Projet de loi “3D” « pas à la hauteur des enjeux »

Territoires unis appelle à « une profonde rénovation des relations entre l’Etat et les collectivités ». Tout en estimant utile de renforcer l’Etat déconcentré et de faciliter la pratique de la différenciation, les deux principales orientations du futur projet de loi « 3D » (décentralisation, différenciation, déconcentration), les élus les considèrent insuffisantes et « pas à la hauteur des enjeux ». Ils demandent ainsi au gouvernement « d’aller vite et plus loin dans la responsabilisation des échelons locaux ». Territoires Unis se dit « prêt à s’associer à cette démarche qui doit prendre en compte les grandes priorités inscrites dans sa contribution au Grand débat » : garantir la libre administration des collectivités, assurer réellement l’autonomie financière et fiscale des collectivités, mettre la commune au centre de la démocratie de proximité, renforcer le rôle des collectivités dans les politiques publiques de cohésion sociale et territoriale (solidarité, santé, emploi, développement économique, transition écologique…), établir une nouvelle répartition des compétences (logement, sport, culture…).

« Le renforcement des libertés locales doit se traduire par la fin de la dépendance des collectivités à l’égard de l’Etat grâce à une définition claire de la répartition des compétences respectives, par la garantie de ressources stables dans la durée et par l’inscription de ces principes dans nos textes fondamentaux », affirment l’AMF, l’ADF et Régions de France. Selon Renaud Muselier, « après la crise sanitaire, et pour affronter la crise économique et sociale, nous avons besoin d’optimisme, d’efficacité et de relance ! Pour cela, nous faisons des propositions claires et construites : c’est la main tendue à l’Etat pour une décentralisation utile ! ».

Complémentarité avec le Sénat

Sans surprise, la contribution de Territoires Unis se veut complémentaire des 50 propositions « pour le plein exercice des libertés locales » remises le 2 juillet par Gérard Larcher au président de la République. Et de citer notamment « la nécessité de remettre les collectivités au cœur des politiques de santé, en confiant la présidence de l’ARS au président de région et en consacrant le rôle des départements comme pivot des solidarités » ; la clarification des rôles de chaque niveau de collectivité face à l’urgence écologique ; le moratoire sur la réforme de la fiscalité locale afin de garantir la soutenabilité financière des collectivités ; une nouvelle répartition des compétences pour déléguer aux collectivités les principales politiques en matière de logement ou encore la nécessité d’un « État fort présent dans les territoires ».

Philippe Pottiée-Sperry

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