Loi « 3DS » et transparence et moralisation de la vie publique
La loi « 3DS », pour différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification, du 21 février 2022, comprend des dispositions intéressant la transparence et la moralisation de la vie publique. Les modifications apportées visent principalement, conformément aux recommandations de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), à simplifier les règles applicables aux élus ; elles apportent quelques compléments et corrections à la marge.
Fiche juridique réalisée par Agathe Delescluse, avocate au Cabinet Seban & Associés
Quels sont les changements apportés en matière de conflit d’intérêts pour les élus locaux ?
Afin de sécuriser la situation des élus locaux représentant, en application de la loi, leur collectivité territoriale ou groupement de collectivités au sein d’organes décisionnels de personnes morales de droit public ou privé, un nouvel article L.1111-6 a été inséré au sein du CGCT (Code général des collectivités territoriales). Dans cette situation, ces élus ne sont pas considérés, du seul fait de leur désignation au sein de ces organismes extérieurs, comme en étant en situation de conflit d’intérêts lorsque la collectivité ou le groupement délibère sur une affaire intéressant la personne morale concernée et vice versa.
Ils ne sont pas davantage regardés comme ayant un intérêt à l’affaire au sens de l’article L. 2131 11 du CGCT relatif à l’illégalité des délibérations auxquelles un conseiller intéressé a participé, ou en situation de prise illégale d’intérêts, délit réprimé par l’article 432 12 du Code pénal.
Dans quels cas un élu local peut-il encore se trouver en situation de conflit d’intérêts ?
Dès lors que l’élu est désigné pour représenter sa collectivité ou son groupement au sein d’un organisme extérieur sur un fondement autre que la loi (comme par exemple les statuts d’une association), la protection légale ne fonctionne pas.
En outre, la protection prévue à l’article L. 1111-6 du CGCT ne s’applique pas dans certaines hypothèses énumérées par le texte lui-même. Ainsi, les élus concernés ne peuvent pas participer aux décisions de la collectivité ou du groupement attribuant à la personne morale concernée un contrat de la commande publique, une garantie d’emprunt ou une aide (comme une subvention par exemple), ni aux commissions d’appel d’offres ou à la commission prévue à l’article L. 1411 5 du CGCT lorsque la personne morale concernée est candidate, ni aux délibérations portant sur leur désignation ou leur rémunération au sein de la personne morale concernée.
Existe-t-il des exceptions à ces exceptions ?
Oui. Les représentants des collectivités territoriales ou de leurs groupements au sein des organes décisionnels d’un autre groupement de collectivités, d’une part, ainsi que des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) et des caisses des écoles, d’autre part, ne sont pas concernés par les exceptions susmentionnées. Ils ne sont donc jamais considérés comme étant en situation de conflit d’intérêts.
En quoi le cas des entreprises publiques locales est-il spécifique ?
Le législateur a conservé des dispositions spécifiques pour les entreprises publiques locales (EPL) qui bénéficiaient déjà d’un dispositif protecteur avant la loi « 3DS » à l’article L. 1524-5 du CGCT relatif aux sociétés d’économie mixte locales mais applicable plus généralement aux EPL par renvoi d’autres dispositions du CGCT. Il était en effet déjà prévu que les élus n’étaient pas considérés comme conseillers intéressés lorsqu’il s’agissait de délibérer sur les relations entre la collectivité territoriale ou le groupement et l’EPL.
Le dispositif a été complété sur le même principe que celui prévu à l’article L. 1111-6, à savoir une protection de principe des élus, qui s’étend au conflit d’intérêts et à la prise illégale d’intérêts, et l’énumération d’exceptions similaires à celles prévues dans le cas général.
De quelle manière les missions de l’Agence française anticorruption (AFA) ont-elles été étendues ?
L’AFA a notamment pour mission de contrôler la qualité et l’efficacité des procédures mises en œuvre au sein des collectivités territoriales, de leurs établissements publics et SEM, afin de prévenir et de détecter les atteintes à la probité. Cette mission a été étendue par la loi « 3DS » à l’ensemble des EPL, afin de corriger un oubli du législateur en la matière.
Quelles sont les modifications apportées en matière d’obligations déclaratives ?
Les obligations déclaratives ont été simplifiées à plusieurs égards, et le contenu de la déclaration d’intérêts complété à la marge. Au titre de la simplification, le législateur a suivi deux recommandations de la HATVP en instaurant une dispense de déclaration lorsque l’intéressé cesse les fonctions justifiant le dépôt des déclarations d’intérêts et de patrimoine dans un délai de deux mois, et en substituant une obligation d’actualisation de la déclaration d’intérêts à celle de dépôt d’une nouvelle déclaration lorsque l’intéressé a déjà déposé une telle déclaration dans les six mois qui précèdent.
Le délai de remise de la déclaration de patrimoine à l’issue du mandat des élus locaux soumis aux obligations déclaratives a été fixé à deux mois à compter de la fin du mandat, mettant ainsi fin au régime spécial applicable jusqu’ici. Quant au contenu de la déclaration d’intérêts, les fonctions et mandats électifs exercés à la date de la nomination sont désormais complétés par ceux exercés au cours des cinq années précédant celle-ci.
Quelles sont les modifications apportées en matière de représentation d’intérêts ?
Là encore, le législateur a suivi deux recommandations émises par la HATVP en étendant la liste des organismes susceptibles d’être regardés comme des représentants d’intérêts aux chambres d’agriculture, dès lors que les chambres de commerce et de l’industrie, ainsi que les chambres de métiers et de l’artisanat étaient déjà incluses, et en réduisant le nombre de collectivités concernées par l’extension du répertoire à compter du 1er juillet 2022.
Sur ce point, il convient de rappeler que le répertoire des représentants d’intérêts a vocation à être élargi, à compter de cette date, aux organismes dont un dirigeant, un employé ou un membre a pour activité principale ou régulière d'influer sur la décision publique en entrant en communication avec les élus locaux ou agents soumis aux obligations déclaratives en application de la loi du 11 octobre 2013, dont les maires et présidents de communes et EPCI à fiscalité propre de plus de 20 000 habitants. La loi « 3DS » a réhaussé ce seuil à 100 000 habitants afin de simplifier la mise en pratique de cette mesure.
Quel encadrement supplémentaire a été ajouté s’agissant des rémunérations, avantages et indemnités des élus locaux ?
Le législateur a élargi l’encadrement des rémunérations des élus officiant dans les SEM locales à l’ensemble des entreprises publiques locales ainsi qu’à leurs filiales, lequel consiste, d’une part, à prévoir l’autorisation préalable de l’assemblée délibérante de la collectivité actionnaire pour qu’une rémunération soit perçue par les élus concernés, assemblée qui, en outre, fixe le montant maximum des rémunérations ou avantages susceptibles d'être perçus ainsi que la nature des fonctions qui les justifient et, d’autre part, à prendre en compte cette rémunération dans le calcul des rémunérations et indemnités totales perçues par un élu, lesquelles font l’objet d’un plafonnement et, le cas échéant, d’un écrêtement.
Les élus locaux peuvent-ils disposer d’une aide déontologique ?
Oui. A l’instar de ce qui a été prévu pour les agents publics par la loi du 20 avril 2016 relative à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires, la loi « 3DS » consacre la possibilité pour tout élu local de consulter un référent déontologue chargé de lui apporter tout conseil utile au respect des principes déontologiques consacrés dans la charte de l’élu local figurant à l’article L. 1111-1-1 du CGCT.
Il s’agit ici d’harmoniser une pratique déjà existante, étant précisé qu’un décret en Conseil d’État devra déterminer les modalités et les critères de désignation des référents déontologues.
Il reviendra ainsi au pouvoir réglementaire d’articuler déontologie des élus et des agents, éventuellement en prévoyant un référent commun, ce qui supposerait de réformer le décret du 10 avril 2017 relatif au référent déontologue dans la fonction publique.
Agathe Delescluse, avocate au Cabinet Seban & Associés