Macron veut réinventer le conseiller territorial

Philippe Pottiée-Sperry
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Programme présidentielle Macron

Le candidat-président a enfin présenté, le 17 mars, son programme. Malgré une conférence de presse ayant duré plus de quatre heures, peu de choses concernent les collectivités. Il propose notamment le retour du conseiller territorial ou la mise en œuvre du droit à la différenciation. 

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Emmanuel Macron a longuement détaillé, le 17 mars, son programme pour l'élection présidentielle qui se veut « nourri des crises que nous avons traversées durant ces cinq années et qui n’étaient pas prévues ». D’un point de vue institutionnel, il s’est justifié de ne pas avoir fait de grande réforme territoriale comme il s’y était engagé en 2017 afin de respecter la « pause » réclamée par les élus locaux pour digérer les lois Maptam et Notre. Dans son programme, rien de révolutionnaire excepté une volonté de « simplifier le mille-feuille territorial » avec le retour du conseiller territorial qui avait été instauré par Nicolas Sarkozy (loi du 16 décembre 2010) puis supprimé par François Hollande. « Les élus départementaux seront les mêmes que les élus régionaux, avec un seul conseiller territorial, a expliqué Emmanuel Macron. Les compétences seront clarifiées : une mission, un responsable ». Pas plus de détails pour l’instant. Cela signifierait une réduction du nombre d’élus mais le maintien de ces deux échelons de collectivités. La réforme s’appliquerait dès les prochaines élections départementales et régionales de 2027.

Mise en œuvre du droit à la différenciation

Au nom d’« une certaine liberté locale, il a aussi plaidé pour la mise en œuvre du droit à la différenciation qui permettra à chaque territoire « de revenir sur les organisations territoriales établies ». Alors que son projet de fusion entre les grandes métropoles et les départements sur le même périmètre territorial s’est embourbé au début du quinquennat, pour ensuite totalement disparaître, il l’a un peu relancé en citant le cas de Nice. « Peut-être que la métropole de Nice a vocation à fusionner avec le département [des Alpes-Maritimes] ? Je pense que c'est un projet qui est loin d'être inintéressant », a-t-il ainsi affirmé. Et de citer le cas de la métropole de Lyon qui, selon lui, « a permis d'énormément simplifier les choses ». Interrogé sur la situation actuelle de la Corse, Emmanuel Macron s’est dit « favorable » à ce qu’elle soit mentionnée dans la Constitution. Et d’affirmer que ce sujet comme « l’inscription de la Corse dans la Constitution, la question des compétences et éventuellement de l’autonomie n’est pas un débat tabou ». 
Par ailleurs, il veut relancer la réforme institutionnelle, abandonnée il y a trois ans, qui pourrait avoir plus de chances d’aboutir cette fois-ci, selon lui, grâce à « une commission transpartisane ». Plaidant pour « rénover nos institutions qui en ont besoin », il continue notamment de prôner une dose de proportionnelle pour les élections législatives. Le 18 mars, à Pau lors d’une rencontre de 2h30 avec des citoyens, il a même déclaré qu’« à titre personnel, je ne suis pas pour la doser, mais pour la vraie proportionnelle ». Tout en précisant qu’il s’agissait d’une position « personnelle » qui ne figure pas dans ses engagements de campagne.

Suppression de 7 Md€ de CVAE

Côté finances, le président-candidat a promis des baisses d’impôts de 15 Md€ par an au profit de ménages et des entreprises. Pour ces dernières, il propose de continuer à réduire les impôts de production en supprimant 7 Md€ de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) mais sans dire un mot sur la compensation qui devrait en découler pour les collectivités. S’il n’a pas employé une seule fois le terme de décentralisation dans sa conférence de presse, il a en revanche évoqué la déconcentration des services de l’Etat avec la volonté de la poursuivre. Il a aussi évoqué son intention de « rouvrir des sous-préfectures ». 
En outre, Emmanuel Macron a plaidé pour « continuer à aménager notre pays par des projets », mais « en territorialisant » l’action publique. Cela signifierait en pratique d’accompagner les maires plutôt que de leur imposer des solutions. Au registre du bilan de son quinquennat, il a mis en avant les résultats des programmes « Action cœur de ville », pour revivifier les centres des villes moyennes, « Petites villes de demain » ou encore les mesures de l’Agenda rural qu’il compte poursuivre.

Fonction publique : « rendre les carrières plus attractives »

Chiffrant son programme à 50 Md€, il indique que son financement proviendrait de la réforme des retraites (15 Md€), de mesures de modernisation et de simplification (15 Md€) et de la réduction des « coûts de fonctionnement de l’ensemble des collectivités publiques » (20 Md€). Mais sans rentrer plus dans le détail. Les économies envisagées restent donc pour l’instant bien floues et pourraient aussi concerner les collectivités locales. 
Concernant la rémunération des agents de la fonction publique, il a justifié l’annonce d’une hausse du point d’indice « avant l’été » par Amélie de Montchalin, car le gel ne peut plus tenir avec le contexte d'inflation actuelle, selon Emmanuel Macron. Il souhaite également « rebattre les cartes de l'organisation de la rémunération de la fonction publique pour rendre les carrières plus attractives et les progressions de carrière plus différenciante ».

Versement des aides sociales « à la source »

Par ailleurs, le président-candidat s’engage à faire verser les aides sociales « à la source », de manière automatique, ce qui selon lui bénéficierait aux « 20 millions de Français » qui touchent le RSA, la prime d’activité, des aides au logement ou des allocations familiales. « L’objectif, c’est la lutte contre le non-recours », insiste-t-il. Reprenant cette promesse de 2017, il a dit vouloir « simplifier » ces aides pour tous ceux qui y ont droit mais aussi pour lutter contre la fraude. 
En matière d’emploi et de travail, il propose de transformer Pôle emploi en « France Travail » par la mise en commun des forces de l’État, des régions, des départements et des communes. Une proposition pour l’instant assez floue dont on a du mal à comprendre l’articulation entre de nombreux acteurs. Pour rappel, Régions de France continue de réclamer le pilotage de Pôle emploi par les régions. S’agissant de la transition écologique, Emmanuel Macron défend « une planification déclinée dans chaque territoire », par les régions, départements, communes, pour des choix locaux sur la production d’énergie (solaire, éolien...) et la décarbonation. Pas de précisions sur le rôle et la marge de manœuvre de chaque échelon de collectivité.

Plus de concertation pour lutter contre les déserts médicaux

Dans le programme distribué à l’issue de la conférence de presse, le candidat affirme aussi vouloir « donner la responsabilité en matière de logement, et les financements qui vont avec, aux communes et aux intercommunalités ». Mais là aussi sans plus de précisions. Sur la construction de logement ou le déploiement des énergies renouvelables, il souhaite « réduire les délais » et « simplifier drastiquement les procédures ».
En matière de santé, Emmanuel Macron affirme vouloir renforcer la lutte contre les déserts médicaux. Comme pour la réforme de l’école, cela passerait par la mise en place d’une nouvelle forme de concertation. Il plaide ainsi pour « avoir pendant plusieurs mois des objectifs nationaux, des leviers nationaux mis à disposition, mais des solutions qui sont bâties par les acteurs locaux et où on accepte d’avoir une diversité de solutions par territoire ». Mobiliser toutes les parties prenantes permettrait ainsi de « sortir de la guerre de positions dans laquelle on est », a-t-il déclaré. A Pau, le 18 mars, il a prôné une grande concertation entre les élus, les médecins hospitaliers, les médecins libéraux et les patients pour « dégager un consensus » sur les solutions à mettre en œuvre. Au-delà, il a défendu, toujours à Pau, sa volonté de faire participer davantage les citoyens dans la construction des politiques publiques.

Philippe Pottiée-Sperry
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