Projet de loi de finances : ce qui concerne les collectivités
Suppression de la CVAE sur deux ans compensée par une part de TVA, stabilité des dotations, 210 M€ pour la péréquation, filet de sécurité de 430 M€ reconduit, fonds vert de 1,5 Md€… Telles sont les principales mesures pour les collectivités du PLF pour 2023. S’y ajoute « un contrat de confiance » pour réduire leurs dépenses de fonctionnement, prévu par le projet de loi de programmation des finances publiques.
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 ainsi que le projet de loi de programmation des finances publiques (LPFP) 2023-2027 ont été présentés au conseil des ministres du 26 septembre. L’examen du PLF par la commission des finances de l’Assemblée nationale démarre le 4 octobre pour un débat en séance publique à compter du 10 octobre.
Visant à ramener le déficit public sous la barre des 3% d'ici cinq ans, le projet de LPFP propose un dispositif d’encadrement des dépenses des collectivités. Concernant celles ayant un budget supérieur à 40 M€, le détail du dispositif reste encore à préciser. On sait déjà que les collectivités devront contribuer aux objectifs de maîtrise des finances publiques, en modérant la progression de leurs dépenses de fonctionnement qui évolueront d’un demi-point de moins que l’inflation. En cas de dépassement de l’objectif, l’accès aux dotations de soutien à l’investissement et au futur fonds vert pourrait être limité pour les collectivités concernées.
« Encadrement bureaucratique »
À la différence des « contrats de Cahors », dont les collectivités ne voulaient plus entendre parler, le dispositif s’appuiera sur « un contrat de confiance » et confie aux collectivités le soin d’établir les conditions d’atteinte de l’objectif global d’évolution des dépenses. Pas de quoi rassurer pour autant les élus locaux. Ainsi, l’APVF (Association des petites villes de France) dénonce « un nouvel encadrement de leurs dépenses réelles de fonctionnement particulièrement restrictif et bureaucratique ». Pour sa part, l’AMF fustige « un dispositif de contrainte étatique des dépenses locales (…) contrairement à tous les engagements formulés par l’exécutif ». D’autant, selon l’association présidée par David Lisnard, qu’« après le dispositif de Cahors, il augmente le nombre de collectivités concernées et alourdit les sanctions applicables ». Plus mesurée, Intercommunalités de France juge « l’idée d’un ‘pacte de confiance’ avec les collectivités, en faisant le pari de la responsabilité, plus raisonnable et étayée par les faits ».
Un texte « calamiteux », selon André Laignel
André Laignel, président du Comité des finances locales (CFL) et premier vice-président délégué de l'AMF, a dénoncé un PLF 2023 « calamiteux ». Et d’en appeler aux parlementaires : « si nos ressources ne suivent pas le cours de l’inflation, c’est la pérennité des services publics locaux qui est menacée ».
Dans le détail, il fustige l’absence d'indexation de la DGF sur l'inflation, comme le réclame l’AMF mais aussi d’autres associations d’élus locaux. En ligne de mire également : la suppression de la CVAE ou la limitation des dépenses de fonctionnement imposée par l'Etat aux collectivités dans les cinq prochaines années. Une nouvelle fois, André Laignel s’emporte contre « une recentralisation au mépris de l'autonomie financière et fiscale des collectivités ».
L’autre charge vient d’Alain Lambert, le président du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN), avec l’absence de saisine de cette instance par le gouvernement sur le projet de LPFP, y voyant « un contournement consternant » des collectivités.
Suppression de la CVAE sur deux ans
Dans le détail, le PLF 2023 confirme un certain nombre de mesures déjà esquissées ces dernières semaines. La suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) s’effectuera bien sur deux ans, et non un an comme annoncé initialement. D’un montant de près de 8 Md€ au total, cette suppression sera remplacée par une part de TVA territorialisée et accompagnée d'un nouveau « fonds national d’attractivité économique des territoires » (une concertation avec les collectivités portera sur les modalités de répartition).
Certaines associations d’élus insistent sur la prise en compte de l'évolution de l'activité économique locale. Intercommunalités de France demande une progression minimale de la fraction de TVA pour tous les territoires et un intéressement au développement économique.
+ 210 M€ pour la péréquation
Le PLF 2023 annonce la stabilité du montant de la DGF (dotation globale de fonctionnement) du bloc communal et des départements (27 Md€ dont environ 18 Md€ pour le bloc local). Les dotations de soutien à l’investissement local de droit commun (DSIL, DETR, DPV et DSID) sont, quant à elles, maintenues à un niveau jugé « historiquement élevé » de 1,8 Md€ en crédits de paiement.
Caroline Cayeux, la ministre déléguée chargée des Collectivités, s’est voulue rassurante en affirmant que « 70 % des collectivités verront leur dotation maintenue ou augmentée ». Le gouvernement a, en effet, annoncé, le 28 septembre, une hausse de 210 M€ de la DGF. Ainsi, la DSR (dotation de solidarité rurale) et la DSU (dotation de solidarité urbaine) augmenteront chacune de 90 M€ et la hausse de la dotation d'intercommunalité sera de 30 M€.
Pas d’indexation de la DGF sur l’inflation
Des annonces jugées insuffisantes par les associations d’élus. L’AMF continue de regretter l’absence d’indexation de la DGF sur l’inflation qui aurait permis d’obtenir environ 1 Md€ de crédits supplémentaires. Pour sa part, l’APVF (Association des petites villes de France) estime que « nombre de petites villes continueront à voir leur DGF diminuer en 2023, sans que la hausse de leurs dépenses liée à l’inflation, notamment énergétique, ne soient compensées ».
La concernant, Villes de France salue l’augmentation de la DGF de 210 M€ mais ne la juge « pas à la hauteur de l’inflation qui impactera fortement les collectivités ». Elle demande donc au Parlement de réévaluer à nouveau le montant de la DGF sachant que « cette indexation est indispensable pour permettre aux collectivités de maintenir leurs capacités d’investissement et la continuité des services publics ».
Filet de sécurité et fonds vert
Le bouclier tarifaire de 430 M€ pour les communes et intercommunalités les plus fragilisées, prévu cette année par la loi de finances rectificative pour 2022, est reconduit à la même hauteur l’an prochain par le PLF. Un montant qui pourra progresser selon le niveau des besoins, promet le gouvernement.
Concernant le fonds vert de 1,5 Md€, appelé « fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires », son mode de fonctionnement doit s’appuyer sur une décentralisation du dispositif. Le lancement d’une « concertation approfondie » avec les associations d’élus locaux devra permettre d’en préciser les contours. Le gouvernement s’est déjà engagé à réduire fortement le nombre d’appels à projets, comme le réclament en cœur les élus.