ZAN, trait de côte, finances : l’AMF se rappelle au bon souvenir de Macron

Philippe Pottiée-Sperry
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ZAN, trait de côte, finances : l’AMF se rappelle au bon souvenir de Macron

Sur plusieurs sujets d’actualité comme les derniers décrets sur le ZAN, l’ordonnance relative au trait de côte, les moyens financiers ou encore le service public de la petite enfance, l’AMF ne ménage pas ses critiques envers l’exécutif. Elle a aussi mis en place un comité législatif et règlementaire.

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Présidé par David Lisnard, le bureau de l’AMF et ses membres associés, réunis le 10 mai,
a tenu d’abord à rappeler « qu’il se tenait à la disposition du nouveau gouvernement, quand celui-ci sera nommé, pour avancer sur les enjeux des collectivités et entretenir un dialogue exigeant, loyal et fécond avec l’Etat, fondé sur la confiance ». Au-delà de la formule convenue, l’AMF a tenu surtout à se positionner sur plusieurs sujets d’actualité en fustigeant la méthode employée par l’exécutif qui, pendant la période de la présidentielle, a publié plusieurs décrets ayant une incidence forte sur les communes. Il s’agit surtout des décrets sur le zéro artificialisation nette (ZAN) et de l’ordonnance relative au retrait de côte, textes d’application de loi « Climat » du 22 août 2021. Et de pointer « leur caractère précipité et en contradiction avec la loi ». 
L’AMF insiste sur le fait que toutes les positions prises lors du bureau (titres d’identité, ZAN, recul du trait de côte, fiscalité locale, service public de la petite enfance) l’ont été à l’unanimité des membres. 

ZAN et trait de côte : critiques sur les textes
Premier sujet de critique : les deux décrets sur le ZAN car « la nomenclature établie n’a fait l’objet d’aucune évaluation en amont, et sa territorialisation est rendue plus contraignante juridiquement qu’initialement prévu dans la loi ». Dans le viseur également l’ordonnance parue le 7 avril et le décret sur le trait de côte présentés « en urgence et sans modèle économique et financier, alors que les opérations de relocalisation vont générer des demandes d’indemnisation qui pèseront sur les communes et EPCI ». L’AMF insiste aussi sur le « risque juridique important pour les communes concernées » du dispositif. 
 
Demande d’être « pleinement associée »
Autre sujet d’alerte pour l’AMF : le contexte de forte inflation et de perte d’autonomie financière des collectivités locales. « Les communes et EPCI ne disposeront pas des moyens nécessaires pour mettre en place les annonces du gouvernement et répondre aux besoins des habitants », tient-elle à préciser. La suppression annoncée de certaines ressources des collectivités, en clair la réduction de 10 Md€ des dépenses de fonctionnement qui serait demandée aux collectivités, apparaît pour l’AMF « en contradiction avec le renchérissement général des coûts, notamment de l’énergie et des matières premières ». Et d’ajouter l’effet sur les budgets communaux de la revalorisation annoncée de la rémunération des fonctionnaires par le dégel du point d’indice (mesure prévue dès cet été dans le projet de loi de finances rectificative). 
En conséquence, l’AMF affirme vouloir « être pleinement associée au travail d’élaboration de ces réformes et à leur évaluation, pour s’assurer de leur compatibilité avec les contraintes qui pèsent sur les communes et intercommunalités ».

Service public de la petite enfance
Autre sujet d’inquiétude pour l’association : le projet d’Emmanuel Macron dans son programme de mettre en place « un service public de la petite enfance ». Sa mise en œuvre éventuelle « devra tenir compte de la grande diversité des modes d’accueil et de gestion existants », insiste l’AMF. Jugeant inapplicable le principe du droit opposable en la matière, elle appelle à laisser de la souplesse aux communes dans le choix des modes de gestion, dans le respect du principe de subsidiarité.

Un comité législatif et règlementaire
Par ailleurs, l’AMF a lancé un comité législatif et règlementaire, co-présidé par Guy Geoffroy (77) et Jean-Pierre Bouquet (51), qui a tenu sa première réunion, le 10 mai. Objectif : associer davantage les élus locaux à l’élaboration des textes qui les concernent en amont de leur présentation au Parlement ou en conseil des ministres, et de procéder à l’évaluation des dispositions existantes. 
Dès son élection à la présidence de l’AMF, David Lisnard avait fait cette proposition compte tenu de la critique habituelle des élus « entravés dans leur action au quotidien par la prolifération des normes, souvent inadaptées aux réalités locales ». Le maire de Cannes estime que « la fin du cumul des mandats a contribué à creuser un fossé entre les normes adoptées par les députés, sans mandat local, et les réalités du terrain ». « Depuis plusieurs années, les élus constatent le décalage flagrant et déroutant entre le travail du Parlement et la prise en compte des réalités locales, poursuit Guy Geoffroy, le maire de Combs-la-Ville, dans une interview à Maires de France. Ce décalage et, pour tout dire, cette méconnaissance des collectivités de la part des parlementaires se sont accrus avec la fin du cumul des mandats ».

« Etude d’impact rigoureuse des futurs textes »
Ce comité législatif réunit des élus de toutes sensibilités politiques, avec une expérience de la réalité des mandats locaux et du processus d’élaboration des textes législatifs. Il associera d’autres intervenants tels que des parlementaires et des professeurs. Le comité prévoit d’organiser des échanges avec les représentants des différentes instances qui interviennent dans l’élaboration des textes pour commencer le travail de fond sur les dispositions qui concernent l’action locale. De plus, le comité sera à la disposition des commissions et groupes de travail de l’AMF pour mettre en forme des propositions de réformes législatives et règlementaires examinées en leur sein.
L’objectif, en lien direct avec le gouvernement et le Parlement, est « d’obtenir le plus tôt possible une étude d’impact rigoureuse des futurs textes, et de les simplifier », indique l’AMF.

Une évaluation régulière des textes
L’autre objectif sera de procéder à l’évaluation régulière des textes. « Le Conseil national d’évaluation des normes réalise un excellent travail. Mais nous devons disposer d’une structure qui, à ses côtés, interviendra en amont et en aval de la production des textes législatifs et règlementaires. Et qui améliorera le dialogue entre le gouvernement, le Parlement et les élus locaux », souligne Guy Geoffroy. 
Sur ce sujet de l’évaluation des textes, il cite notamment le zéro artificialisation nette (ZAN) avec des « dommages liés à l’absence d’une coproduction des textes avec les élus ». Et de regretter « une définition imprécise de cet enjeu majeur pour les projets d’aménagement et de développement locaux ». Le maire de Combs-la-Ville cite également l’évaluation en aval « des textes règlementaires incompréhensibles et inapplicables élaborés par la haute administration de l’État ».
La prochaine réunion du comité législatif et règlementaire se tiendra en juillet. Elle établira un programme de travail car le nouveau gouvernement ne tardera à déposer des textes concernant les collectivités, notamment dans le domaine financier.

 

Philippe Pottiée-Sperry
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