Projet de loi « 3DS » : les élus satisfaits mais demandent d’aller plus loin

Philippe Pottiée-Sperry
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Première association d’élus à réagir après l’accord trouvé en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi « 3DS », l’AMF « salue la préoccupation du Sénat d’apporter un contenu utile à ce texte et le travail avec les députés pour le faire aboutir ».
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Pour David Lisnard, son président, « certaines des mesures annoncées correspondent à des propositions le plus souvent exprimées par l’AMF et les principales associations d’élus locaux et qui font aujourd’hui l’objet d’un consensus obtenu avec Jacqueline Gourault dont je tiens à saluer l’écoute ». Sur la principale pomme de discorde que constituait le volet sur l’intercommunalité, l’AMF estime que le texte final prouve que ce sujet « n’était pas condamné à être fossilisé » en se réjouissant d’une plus grande souplesse de fonctionnement à travers l’intérêt communautaire ou métropolitain et les compétences facultatives à la carte, « dans le respect des principes de subsidiarité et de différenciation territoriale ».

En revanche, l’association regrette que les choses n’aient pas bougé sur l’exercice des compétences « eau » et « assainissement », excepté le maintien des syndicats infracommunautaires. Jugeant la réponse trouvée pas « à la hauteur des préoccupations des maires », l’AMF demande au Sénat de « mener une évaluation de la situation des communes concernées pour porter, le cas échéant, une nouvelle initiative législative ».

Adaptation de la loi SRU

Par ailleurs, l’AMF se félicite de l’évolution du gouvernement en permettant la prolongation de la loi SRU sans date couperet de 2025 pour atteindre les objectifs de production de logements sociaux. Selon elle, « cela va dans le sens d’une application apaisée, tout comme la meilleure prise en compte des contraintes locales, du renforcement de la place du contrat de mixité sociale et de la responsabilité de l’échelon local ». Elle a obtenu que le contrat de mixité sociale, signé entre le maire et le préfet, ne pourra pas avoir de véto de la commission nationale SRU.

Le report des délais pour la mise en œuvre de l’objectif « ZAN » (zéro artificialisation nette) est jugé comme « une bouffée d’oxygène pour les collectivités concernées ». Mais l’AMF s’inquiète d’une mise en œuvre qui « provoquera des tensions locales et risque d’obérer les projets de développement ». Concernant les éoliennes, la possibilité de prévoir leurs conditions d’implantation dans les documents d’urbanisme (PLU et PLU-I), redonnant donc une place aux maires, est vue d’un bon œil. L’AMF note aussi l’évolution du dispositif de la métropole d’Aix-Marseille-Provence en réitérant ses alertes sur le calendrier contraint de sa mise en œuvre et la disparition précipitée des conseils de territoires qui inquiètent de nombreuses communes.

Rencontre avec les candidats à la présidentielle le 15 mars

D’un point de vue plus général, l’AMF, comme les autres associations d’élus, estime que le projet de loi « 3DS » ne constitue pas un nouvel acte de décentralisation car « il ne comporte aucune réorganisation des pouvoirs publics dans le sens de la décentralisation ni aucune ambition en matière de déconcentration de l’Etat ». Continuant d’appeler à un grand texte en faveur des libertés locales, tirant les conséquences de la crise sanitaire, l’AMF indique qu’elle organisera, dans le cadre de Territoires unis (AMF, ADF – Assemblée des départements de France – et Régions de France), le 15 mars, à Montrouge (92), une rencontre avec les candidats à la présidentielle. A cette occasion, ceux-ci présenteront leurs projets relatifs aux trois niveaux de collectivités et réagiront à la contribution de Territoires Unis et aux propres propositions de chaque association.

Une « position d’équilibre » selon l’AdCF

Pour sa part, l’AdCF Intercommunalités de France se dit satisfaite de la « position d’équilibre trouvée par les parlementaires » permettant au texte issu de l’accord en CMP de « ne pas bousculer à nouveau les équilibres institutionnels locaux ». Et d’estimer que le rôle des intercommunalités n’est pas remis en cause. Sur le sujet sensible des compétences « eau » et « assainissement », l’association salue le maintien du transfert aux communautés de communes d’ici à 2026. « La conservation des syndicats infracommunautaires et la possibilité d’abonder le budget annexe de l’eau à partir du budget principal pour éviter une hausse excessive des tarifs sont des solutions de compromis tenant compte de la diversité des réalités locales », ajoute-t-elle, à la différence de l’AMF.

L’AdCF se félicite aussi des compromis trouvés concernant la compétence voirie dans les communautés urbaines et métropoles. « La possibilité de s’accorder sur le transfert de compétences facultatives selon des critères géographiques sera un gage de souplesse pour les collectivités », estime-t-elle. Réclamée depuis longtemps par Intercommunalités de France, la création de l’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) n’a pas posé de problème entre les députés et les sénateurs. « Cela permettra aux intercommunalités qui le souhaitent d’être encore plus impliquées dans les politiques locales de l’habitat et dans l’animation de leur mise œuvre au côté de l’ensemble des acteurs », se réjouit l’AdCF.

« Des avancées concrètes » pour France urbaine

Comme l’AdCF, France urbaine salue « un accord équilibré ». Que ce soit en matière de logement, de santé, d’alliance des territoires ou de transition écologique, l’association des élus urbains évoque des « avancées concrètes et pragmatiques qui permettront de renforcer les capacités d’action des collectivités ». Parlant même d’un « texte utile et efficace », elle estime qu’il permet de « tirer les enseignements de la crise sanitaire et de renforcer la boîte à outils collective face aux transitions ». Malgré ce jugement assez positif, France urbaine indique que dans le cadre de la campagne présidentielle, elle formulera « des propositions fortes et concrètes pour plus de décentralisation et une coopération rénovée entre l’Etat et les collectivités locales ». A noter que France urbaine et l’AdCF soumettront chacune des propositions aux candidats à la présidentielle, lors d’une audition organisée conjointement le 22 mars.

Les régions regrettent « un texte en demi-teinte »

De son côté, Régions de France salue un texte qui « apporte des clarifications et simplifications à l’action publique » tout en soulignant qu’« il est très éloigné des ambitions que le président de la République avait affichées au sortir de la crise des gilets jaunes ». Elle se félicite notamment du transfert du réseau routier national non concédé, dans le respect des compétences des départements sur les routes. « Cela permettra aux régions volontaires de prendre en charge certains axes structurants interdépartementaux voire interrégionaux que l’État avait laissés en déshérence », indique-t-elle. Elle donne aussi un bon point à la confirmation du transfert des lignes ferroviaires de desserte fine du territoire amorcé dans la loi d’orientation sur les mobilités.

Autres dispositions jugées positivement par l’association : l’ouverture d’un début de dialogue sur le pilotage conjoint par l’État et les régions de la politique de l’emploi au niveau régional (tout en regrettant l’absence d’une « vraie responsabilité de coordination ») ; la réaffirmation du maintien de la répartition des compétences économiques entre collectivités, telle qu’issue de la loi « Notre » ; l’attribution au président du conseil régional/départemental d’une autorité fonctionnelle partielle sur les adjoints gestionnaires des lycées/collèges ; l’autorisation de recruter des professionnels de santé via la création de groupements d’intérêt public (un levier selon elle pour lutter contre la désertification médicale) ; la possibilité de créer un établissement public dédié à la formation professionnelle dans les régions et collectivités d’Outre-mer…

Un livre blanc des régions

Tout cela n’empêche pas l’association de regretter « un texte qui reste en demi-teinte pour les régions » sans la création d’un comité national État-régions permanent, la coordination du service public de l’emploi ou une compétence régionale d’aménagement sanitaire du territoire avec la co-présidence des ARS par le préfet de région et le président de région. « Pourtant la crise que notre pays traverse montre chaque jour la pertinence de telles évolutions », insiste Régions de France. Elle présentera ainsi un livre blanc des régions aux candidats à la présidentielle, le 15 mars, avec l’AMF et l’ADF dans le cadre de Territoires Unis. Au-delà de l’échéance présidentielle, ce livre blanc se voudra une « feuille de route politique portant une vision profondément renouvelée de l’action publique, qui servira de base aux discussions avec le prochain gouvernement ».

Philippe Pottiée-Sperry

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