Projet de loi « Climat » : décryptage des mesures votées par les députés

Philippe Pottiée-Sperry
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Vaste texte qui touche à tous les aspects de la vie quotidienne (logement, déplacements, alimentation, consommation, travail…), le projet de loi « Climat et résilience » reprend en partie les propositions de la convention citoyenne pour le climat.

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De nombreux dispositions concernent les collectivités et notamment les intercommunalités. Le vote solennel du texte par les députés aura lieu le 4 mai, après un examen en séance échelonné du 29 mars au 17 avril, précédé d’un examen durant onze jours par une commission spéciale. Cela sera au tour du Sénat de plancher sur le texte en séance à partir de mi-juin et cela pour deux semaines. Sans surprise, il y a chez les parlementaires, comme dans la société, une forte opposition entre ceux qui reprochent au texte son manque d’ambition pour lutter contre le réchauffement climatique et ceux, au contraire, déplorant, son caractère trop contraignant envers les acteurs économiques. Pas moins de 7300 amendements ont été déposés à l’Assemblée, pas tous examinées. Parmi les nombreuses mesures adoptées, on peut notamment citer : une prime à la conversion élargie aux vélos, l’instauration obligatoire de zones à faibles émissions (ZFE) dans les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici fin 2024 (43 contre 10 aujourd’hui), le gel des loyers des passoires thermiques et leur classement en logements indécents à partir de 2025, la création d’un accompagnateur rénovation et de nouveaux outils financiers d’accompagnement, la création d’une option végétarienne quotidienne dans les restaurants collectifs de l’Etat à partir de 2023 mais pas élargie aux collectivités…

Décentralisation du pouvoir de police de la publicité

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Le titre 1er « Consommer » contient des mesures portant sur l’éducation à l’environnement, la publicité, l’affichage environnemental et l’économie circulaire. Les députés ont notamment interdit la publicité pour les énergies fossiles comme du « Greenwashing » (éco-blanchiment), ou l’obligation d’une étiquette climat sur les publicités. L’article 6 décentralise, à compter du 1er janvier 2024 le pouvoir de police de la publicité au maire ou au président de l’intercommunalité. Ils pourront donc élaborer un règlement local de publicité (RLP) pour adapter la réglementation nationale en matière de publicité extérieure aux enjeux locaux. De plus, le président de l’EPCI pourra convoquer une conférence des maires pour assurer la cohérence de l’exercice du pouvoir de police de publicité en évitant de trop fortes disparités entre communes voisines. Le maire ou le président de l’EPCI pourra réglementer les dispositifs publicitaires en vitrine via le RLP (article 7).

L’article 2 fait de l’éducation à l’environnement et au développement durable une mission fondamentale du service public de l’éducation au même titre que l’éducation à la citoyenneté ou la lutte contre l’illettrisme. Pour sa part, l’article 3 vise à mettre en place dans chaque établissement scolaire un comité dédié à l’éducation au développement durable afin de favoriser le développement de projets concrets de sensibilisation à l’environnement. Par ailleurs, une consigne pour les emballages en verre est prévue à l’horizon 2025 (article 12).

Verdissement des marchés publics

Le titre 2 « Produire et travailler » vise à rendre les investissements publics plus verts ou à permettre le développement harmonieux des énergies renouvelables au niveau local. Le gouvernement estime que le levier de la commande publique (200 Md€ d’investissements par a) « est insuffisamment exploité pour accompagner la transition écologique et rendre l’économie plus respectueuse de l’environnement ». Aujourd’hui, l’introduction de critères environnementaux dans les marchés publics reste limitée. L’article 15 rend donc obligatoire l’ajout par les acheteurs publics de clauses environnementales dans tous les appels d’offres et marchés passés avec des entreprises. Ainsi, les critères prenant en compte « la performance environnementale » devront faire partie des conditions des appels d’offres. L’obligation pourra être remplie par la définition de spécifications techniques ou de conditions d’exécutions prenant en compte les caractéristiques environnementales du marché. L’acheteur public valorisera ainsi la « valeur écologique » des offres reçues dans le cadre d’un appel d’offres. Selon Olivia Grégoire, secrétaire d'État chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable, « le verdissement de 100 % de nos marchés publics et concessions sera un formidable accélérateur de transition écologique ».

Planification territoriale des énergies renouvelables

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Pour obtenir une meilleure planification territoriale du développement des énergies renouvelables et de récupération (article 22), les Sraddet (schémas régionaux d'aménagement, de développement durable et d'égalité des territoires) devront fixer un objectif de développement de ces énergies compatible avec les objectifs de la PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie). Lors de la prochaine révision de la PPE, un volet sera consacré au développement de l’énergie citoyenne afin de multiplier ces sources de production d’énergies locales et décarbonées (article 23). Objectif : favoriser la création de petites unités de production d’énergies renouvelables et mutualiser les coûts à l’échelle d’une communauté locale.

Autre mesure prévue dans l’article 24 : l’extension de l’obligation d’installer des systèmes de production d’énergie renouvelable ou des toitures végétalisées sur les surfaces commerciales et les entrepôts en abaissant le seuil de 1000 m² à 500 m². Cet article étend aussi le champ d’application aux extensions de bâtiments, aux rénovations lourdes (qui touchent à la structure du bâtiment), aux constructions destinées au commerce de gros et aux immeubles de bureaux (au-delà de 1000 m²). Objectif : augmenter la production d’électricité renouvelable et renforcer la place de la nature en ville.

Renforcer la lutte contre la pollution de l'air

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Le gouvernement rappelle que « les transports sont le premier poste des émissions de gaz à effet de serre de notre pays ». Pour lutter davantage contre la pollution de l'air, dans le cadre du titre 3 « Se déplacer », les députés ont voté une batterie de mesures : fin de la circulation des voitures les plus polluantes dans 45 grandes villes dès 2025, déploiement de voies réservées au covoiturage à l’abord des grandes villes, fin de la vente des voitures les plus émettrices de gaz à effet de serre en 2030... Pour doper l’usage du vélo, l’article 25 élargit la prime à la conversion aux personnes souhaitant remplacer un vieux véhicule polluant par un vélo à assistance électrique (VAE) y compris les vélos-cargos. Le texte majore également le bonus à l’achat pour les véhicules lourds à très faibles émissions équipés de détecteurs d’angles morts, afin de mieux protéger les cyclistes et piétons.

Pour désengorger le trafic urbain et améliorer la qualité de l’air, en privilégiant les transports collectifs et le covoiturage, les articles 26 à 28 visent à développer les parkings relais aux entrées des villes. Plus de pouvoir sera donné aux maires pour leur permettre de réserver certaines places de stationnement aux usagers des transports en commun. Par ailleurs, il sera expérimenté sur trois ans la mise en place de voies réservées à certaines catégories de véhicules (transports collectifs, covoiturage, véhicules propres) aux abords des zones à faibles émissions.

Dans le détail, l’article 27 rend obligatoire la mise en place de zones à faibles émissions-mobilités (ZFE-m) pour les agglomérations de plus de 150 000 habitants d’ici le 31 décembre 2024 (33 ZFE-m supplémentaires contre 10 aujourd’hui). De plus, dans les 10 métropoles connaissant des dépassements réguliers des valeurs limites de qualité de l'air, des interdictions de circulation deviendront automatiques pour les véhicules Crit’air 5 en 2023, Crit’air 4 en 2024 et Crit’Air 3 en 2025. Dans les autres agglomérations ne dépassant pas ces valeurs limites, elles devront néanmoins mettre en place une ZFE-m, au plus tard fin 2024, et ce sera aux collectivités concernées de fixer les restrictions de circulation des véhicules les plus polluants.

Obligation de véhicules électriques ou hybrides

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L’article 34 prévoit l’intégration d'habitants tirés au sort dans les comités des partenaires mis en place par les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), aux côtés de représentants des associations d'usagers. Objectif : les faire participer davantage à l’élaboration des stratégies de mobilité pour mieux répondre aux attentes des habitants. Par ailleurs, il est instauré une obligation de renouvellement des flottes de plus de 100 véhicules (Etat, collectivités, entreprises) avec 70% de véhicules électriques ou hybrides rechargeables au plus tard en 2030. Pour accélérer le déploiement des bornes de recharge pour véhicules électriques, ouvertes au public, il est notamment prévu de les rendre obligatoires dans tous les parkings publics. Côté aviation, l’article 36 interdit les vols intérieurs quand il existe une alternative en train en moins de 2h30. De plus, il ne sera plus possible de construire de nouveaux aéroports ou d’étendre ceux déjà existants (article 37).

4 millions de logements rénovés d’ici 2034

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Dans son titre 4 « Se loger », le projet de loi affiche la volonté de rénover massivement les logements pour réduire les émissions de gaz à effet de serre et lutter contre la précarité énergétique sachant que 4,8 millions de foyers vivent dans des passoires énergétiques. Les députés ont voté l’interdiction de la mise en location de passoires énergétiques (logements F et G) d’ici 2028 (dès 2025 pour les étiquettes G), puis des logements classés E d’ici 2034 ; le gel des loyers dans les passoires énergétiques dès 2023 ; ainsi que la mise en place d’un accompagnement pour rénover les logements. L’article 40 rend obligatoire dès 2022 les audits énergétiques lors des ventes de maisons ou d’immeubles considérés comme des passoires énergétiques. L’obligation sera étendue aux logements classés E à partir de 2025. L’article 41 interdit aux propriétaires d’augmenter le loyer des passoires énergétiques (logements des classes F et G, à partir de 2023).

Interdisant progressivement la mise en location des passoires énergétiques, l’article 42 veut protéger les locataires des factures d’énergie trop élevées et de la précarité énergétique, tout en laissant le temps nécessaire aux propriétaires bailleurs de faire les travaux de rénovation nécessaires. L’entrée en application s’effectuera ainsi en 2025 pour les pires passoires énergétiques (étiquettes G), en 2028 pour les étiquettes F et en 2034 pour les étiquettes E. Au total, plus de 4 millions de logements devront être rénovés d’ici 2034.

L’article 43 précise le rôle du service public de la performance énergétique de l’habitat (SPPEH), qui délivre une information et un conseil gratuit via des guichets locaux présents sur tout le territoire, et principalement mis en œuvre à l’échelle intercommunale. Il est aussi prévu un nouveau statut d’opérateurs agréés pour accompagner les particuliers « de bout en bout » dans leurs parcours de rénovation (nature des travaux à réaliser, plan de financement, aides disponibles et suivi des travaux). Cet accompagnement sera progressivement rendu

Le chauffage au bois en ligne de mire

S’agissant des copropriétés, l’article 44 impose la réalisation d'un plan pluriannuel de travaux sur la base d’une analyse technique, notamment du DPE. Objectif : mieux anticiper, programmer puis voter les travaux de rénovation. L’article 45 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance pour renforcer le contrôle des règles en matière de construction et de performance énergétique. A noter également l’interdiction des terrasses chauffées au 31 mars 2022 (article 46). Autre objectif prévu par le texte : la baisse de 50% des émissions de particules fines issues du chauffage au bois entre 2020 et 2030 dans les territoires les plus pollués (article 46). Un plan d’action devra permettre d’accélérer le renouvellement des vieux poêles et des vieilles cheminées au profit d’équipements performants. Il est ainsi prévu de diviser par deux des émissions des particules fines issues du chauffage au bois d’ici 2030, notamment en remplaçant 600 000 appareils dans les cinq prochaines années.

S’agissant du patrimoine immobilier, les communes et EPCI de plus de 50 000 habitants, les départements et les régions devront élaborer une stratégie pluriannuelle de réduction de la consommation énergétique de leur patrimoine immobilier à usage tertiaire.

Lutter contre l’artificialisation des sols

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L’article 48 définit la notion d’artificialisation des sols et fixe l’objectif de réduction par deux de la consommation d’espaces naturels sur les dix prochaines années par rapport à la décennie précédente. L’article 49 organise la déclinaison de cet objectif par les collectivités, en lien avec l’État, dans les documents de planification régionaux, intercommunaux et communaux (Scot, PLU et PLU-I). L’évolution du Sraddet devra être engagée dans l’année suivant l’entrée en vigueur de la loi pour une mise en application dans les deux ans qui suivent. De plus, les collectivités seront incitées à identifier dans leurs documents d’urbanisme des zones de renaturation et de désimperméabilisation (article 49). Les communes situées dans des zones à forte croissance démographique ou avec un déséquilibre entre offre et demande de logements devront fixer une surface minimale de zones non imperméabilisées dans leur PLU. Des observatoires de l’habitat et du foncier seront créés au niveau intercommunal. Par ailleurs, il est institué un nouveau dispositif institué « contrats de sobriété foncière », qui pourront être signés entre les collectivités compétentes en matière d’urbanisme, et entre celles-ci et l’État. Objectif : organiser l’ingénierie mobilisable, préciser les besoins d’étude, identifier les programmes pour réaliser les objectifs de sobriété foncière.

Pas de nouveaux centres commerciaux

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L’article 50 prévoit la présentation d’un rapport annuel sur l’artificialisation des sols dans les communes de plus de 3500 habitants et tous les deux ans dans les autres. Il y a aura une densité minimale pour les grands projets d’aménagement mis en œuvre dans le cadre des grandes opérations d’urbanisme (GOU) (article 51). Par ailleurs, il ne sera plus possible de construire de nouveaux centres commerciaux entraînant une artificialisation des sols (article 52). Aucune exception ne sera possible pour les surfaces de plus de 10 000 m2, et les demandes de dérogation pour les surfaces de plus de 3000 m2 seront examinées par une commission nationale. Un article 52 bis prévoit que des secteurs d’implantation privilégiés pour les entrepôts seront définis en lien avec les collectivités et la population. Le préfet pourra refuser tout projet incompatible avec les objectifs de lutte contre l’artificialisation des sols. Pour limiter l’étalement urbain, l’article 55 habilite le gouvernement à légiférer par ordonnance.

Autre mesure prévue : l’inscription dans la loi des objectifs de la Stratégie nationale pour les aires protégées 2020-2030 (article 56). Elle prévoit d'atteindre 30% d'espaces protégés en terre et en mer, avec 10% en protection forte. Cette stratégie nationale des aires protégées sera obligatoirement élaborée et mise en œuvre, en concertation avec toutes les parties prenantes et sur la base de données scientifiques disponibles, puis mises à jour. La surface d'aires protégées ne pourra pas diminuer. Par ailleurs, d’ici trois ans, les collectivités impactées par le recul du trait de côte devront cartographier les zones touchées à horizon 0-30 ans et celles touchées à horizon 30-100 ans (article 58). Des outils seront mis à leur disposition pour faciliter l’acquisition des parcelles impactées et permettre leur renaturation.

Obligation d’un menu végétarien par semaine

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Le titre 5 « Se nourrir » veut inciter à consommer plus local, plus durable et plus sain, mais aussi soutenir un système agricole plus respectueux de l’environnement par le développement de l’agroécologie et mieux encadrer le commerce équitable. Dès 2023 est instaurée l’obligation d’une option végétarienne quotidienne, en cas de menus multiples, dans les cantines de l’Etat, des entreprises publiques et des établissements publics. Cette option quotidienne ne sera pas imposée aux collectivités mais fera l’objet d’une expérimentation pour celles étant volontaires (article 59). Suite à l’expérimentation concluante issue de la loi « Egalim » sur un menu végétarien par semaine dans les cantines scolaires, cette obligation est pérennisée. La restauration collective devra proposer 50% de produits de qualité dont 20% de bio à compter de 2022 pour le secteur public, et d’ici 2025 pour le secteur privé (article 60). En 2024, 60% de la viande et des produits de la pêche servis devront respecter les critères de qualité.

Dans le titre 7 « Evaluation climatique et environnementale », l’article 77 crée un observatoire des actions des collectivités territoriales, mis en place dans le cadre du Conseil national de la transition écologique. Tous les trois ans, un rapport sera remis au Parlement après l’avis du Haut conseil pour le climat.

Philippe Pottiée-Sperry

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