Un projet de loi reporte en juin les départementales et les régionales

Philippe Pottiée-Sperry
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Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, a présenté, au conseil des ministres du 21 décembre, le projet de loi sur le report des élections départementales et régionales. Ce texte met en œuvre la recommandation principale du rapport remis le 13 novembre dernier par Jean-Louis Debré de reporter en juin 2021 ces deux scrutins compte tenu de la crise sanitaire.

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Les mandats des élus locaux sont donc prolongés jusqu’à ce renouvellement général. Il ressort du rapport Debré « que la situation sanitaire et les mesures prises pour pallier l’épidémie du Covid-19 ne permettent pas de mener une campagne électorale précédant des élections organisées au mois de mars, dans des conditions propres à garantir la bonne information des électeurs, l’égalité des armes entre les candidats et la sincérité du scrutin », indique le compte rendu du conseil des ministres. Un rapport public sur les risques sanitaires attachés à la campagne électorale et au scrutin sera remis au Parlement par le conseil scientifique Covid-19, au plus tard le 1er avril. Il s’agit donc d’une clause de revoyure qui pourrait se traduire par un nouveau report des scrutins si jamais la situation sanitaire ne s'est pas suffisamment améliorée.

Plafonds de dépenses électorales majorés de 20%

Les dates des deux tours des élections départementales et régionales devraient être les 13 et 20 juin, ou le 20 et le 27 juin. Le calendrier étant serré, il est prévu un examen du projet de loi par le Sénat dès la semaine du 25 janvier. Afin de tenir compte de l’augmentation des dépenses électorales induite par l’allongement de la période de campagne, le texte prévoit également une majoration de 20% des plafonds de dépenses, comme cela avait été le cas pour les municipales de 2020 dont le second tour avait été reporté en raison de la situation sanitaire. Par ailleurs, le projet de loi prévoit que le renouvellement général suivant, qui devrait avoir lieu en mars 2027, est reporté à décembre 2027, pour éviter une trop grande proximité avec les élections présidentielle et législatives prévues au printemps 2027. Le calendrier électoral classique est rétabli à partir du renouvellement général suivant, prévu en mars 2033.

Elargir le vote par procuration

Sur l’organisation en tant que telle du scrutin, le projet de loi ne prévoit rien de particulier. Pas de doute que les parlementaires s’en chargeront ! Ainsi, une mission d’information de la commission des lois du Sénat a rendu ses conclusions il y a quelques jours sur la faisabilité du vote à distance (procurations, vote par correspondance "papier" et vote par Internet). Elle propose d’élargir le vote par procuration mais pas de réintroduire le vote par correspondance car « les conditions matérielles et de sécurité ne sont pas réunies pour organiser un vote par correspondance "papier" en toute sérénité ». Concernant le vote par procuration, elle plaide pour que les électeurs puissent en détenir deux (contre une seule actuellement). Ils pourraient par exemple voter au nom de leurs deux parents ou grands-parents. Cette option recueille aujourd’hui un certain consensus. De plus, les électeurs pourraient plus facilement établir leur procuration depuis leur domicile, en évitant des temps d’attente dans les commissariats de police et de gendarmerie. Il reviendrait ainsi à l’État de créer « un véritable service public des procurations, accessible aux électeurs qui ne peuvent pas se déplacer jusqu’au bureau de vote ». Ces mesures pourraient s’appliquer dès les prochaines élections.

« Eclairer le débat public de manière apaisée »

Pour François-Noël Buffet, président de la commission des lois et rapporteur de la mission, « notre travail a pour but d’éclairer le débat public de manière apaisée et documentée en analysant les conditions de réussite d’un vote postal ou d’un vote par Internet. Nous ne fermons pas la porte à ces modes de participation mais nous constatons qu’ils ne peuvent pas être mis en place pour les prochaines élections régionales et départementales, quelle que soit leur date. Nous privilégions, en revanche, une extension immédiate du vote par procuration, notamment pour permettre aux personnes vulnérables de s’exprimer ». Dans ses préconisations, le rapport Debré suggérait « d’envisager le développement du vote par correspondance ou par internet ». De son côté, le Modem a déposé à l’Assemblée nationale une proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance, supprimé en 1975. Le ministre de l’Intérieur s’est dit opposé à ce vote.

Expérimenter le vote par correspondance

Parmi les autres pistes, la mission a rejeté l’idée d’une ouverture anticipée des bureaux de vote - par exemple du lundi au dimanche – car cela « serait difficile à gérer pour les communes et n’empêcherait pas les "pics de fréquentation" dans les bureaux de vote ».

S’agissant du vote par correspondance, pas envisagé pour les départementales et régionales de 2021, la mission suggérer d’« expérimenter le vote postal ». Et de préciser que le vote par correspondance "papier" implique de mettre en place une chaîne logistique très lourde, faisant intervenir une multitude d’acteurs : routeurs, services postaux, électeurs, préfectures, tribunaux judiciaires, communes, etc. Cinq conditions doivent être réunies pour assurer sa réussite, estime la mission sénatoriale : envisager le vote postal comme un dispositif complémentaire du vote à l’urne, organiser la confection et l’acheminement des plis, garantir la sécurité du dispositif en vérifiant l’identité des électeurs et le suivi des plis, refondre le calendrier électoral, en prévoyant notamment deux semaines entre les deux tours de scrutin, réorganiser les bureaux de vote et le dépouillement.

Les sénateurs reconnaissent que le vote par correspondance "papier" est loin de faire l'unanimité : sur les 43 présidents de région et de département consultés par la mission sénatoriale, seuls 21% se déclarent favorables à cette modalité de vote pour les prochaines élections. La majorité d’entre eux craint un risque de fraude. « Des expérimentations sont donc indispensables pour réacclimater notre démocratie au vote postal, sécuriser le dispositif et s’assurer de la solidité de la chaîne logistique », précise la mission d’information. Elle propose donc que des expérimentations soient menées pour des consultations locales, par exemple sur des projets d’aménagement ou d’urbanisme.

Sécuriser le vote par Internet

Si le vote par Internet est largement utilisé pour les élections professionnelles, son extension aux élections politiques nécessite davantage de garanties, reconnaît la mission. Seuls les Français de l’étranger en bénéficient aujourd’hui car ils sont parfois éloignés de plusieurs centaines de kilomètres de leur bureau de vote. Selon les sénateurs, cinq conditions doivent être réunies pour assurer la réussite du vote par Internet : se prémunir contre les cyberattaques, s’assurer de l’identité des électeurs, garantir l’accessibilité de la plateforme de vote, prendre acte de la suppression du rituel républicain, assurer la transparence des résultats.

Constatant que ces conditions ne sont pas réunies à ce jour, la mission préconise de poursuivre les efforts pour sécuriser le vote par Internet, en commençant par sécuriser "l’identité numérique" des Français.

Philippe Pottiée-Sperry

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