Vers un assouplissement des règles du ZAN
Composée de 25 mesures et déposée le 14 décembre, une proposition de loi sénatoriale vise à réformer et assouplir le fameux ZAN (zéro artificialisation nette), tant décrié par les élus locaux. Le gouvernement se dit « ouvert » sur ce texte qui devrait être discuté fin février.
Une semaine après la remise du rapport de la mission conjointe sénatoriale de contrôle, transpartisane, sur la mise en application du ZAN (zéro artificialisation nette), une proposition de loi visant à faciliter la mise en oeuvre des objectifs du ZAN a été déposée, le 14 décembre. La mobilisation générale en faveur de l'application de ces objectifs de la loi « Climat » d’août 2021 « ZAN », « dont l'importance et la légitimité sont unanimement partagées », tiennent à préciser les sénateurs, a débuté. Mais de souligner de « nombreuses difficultés ».
Mobilisation des élus locaux
Le gouvernement lui-même a admis le besoin d’évolution du cadre juridique du ZAN. Le même jour que la présentation de la proposition de la loi, l’AMF, dans une démarche concertée avec le Sénat, a formulé vingt propositions pour simplifier et surmonter les difficultés du ZAN. De quoi conforter la mobilisation des élus locaux pour faire bouger les choses sur ce sujet au centre de leurs inquiétudes.
« Une urgence climatique incontestable »
Très détaillée autour de treize articles, la proposition de loi vise à apporter « souplesse, pragmatisme et efficacité » à l'application du ZAN, insistent les sénateurs. En précisant qu’elle ne remet pas en cause ses grands objectifs (réduction de 50% de l'artificialisation en 2031 et atteinte du ZAN en 2050), ni son application à l'ensemble du territoire et des politiques publiques. « Le ZAN répond à une urgence climatique et environnementale incontestable, qui doit engager l'ensemble de la Nation dans une démarche commune de sobriété foncière », affirment les sénateurs.
Mais ils reprochent au gouvernement d’avoir multiplié les annonces, sans avoir engagé « aucune évolution législative ni réglementaire de nature à lever les obstacles bien identifiés ». La proposition de loi juge notamment « indispensable » d’avoir une gouvernance partagée du ZAN en renforçant l’association des intercommunalités car le ZAN « impactera l’ensemble des collectivités et de leurs compétences ».
Quatre axes et 25 mesures « concrètes »
Leur texte s'organise autour de quatre axes : favoriser le dialogue territorial et renforcer la gouvernance décentralisée ; accompagner les projets structurants de demain ; mieux prendre en compte les spécificités des territoires ; et prévoir les outils pour faciliter la transition vers le ZAN.
La proposition de loi comprend 25 mesures qui se veulent « concrètes », avec notamment de nouveaux outils pour les collectivités comme le droit de préemption sur le foncier stratégique ou la possibilité de s’opposer à des projets qui seraient trop consommateurs d’espaces. Elle veut aussi garantir une surface minimale de développement d’au moins un hectare à chaque commune. Autre objectif : prendre en compte, dès maintenant, les efforts de renaturation entrepris par les collectivités.
Création de conférences régionales du ZAN
Jugeant le calendrier fixé pour la révision en cascade des documents d’urbanisme « très contraint », en ne permettant pas aux régions de procéder au « nécessaire dialogue avec les Scot, EPCI et communes sur la répartition des efforts de lutte contre l’artificialisation, le texte propose tout d’abord de prolonger d’un an le délai laissé aux élus pour modifier les documents régionaux (Sraddet…) et locaux (Scot, PLU, carte communale). Il passerait ainsi de mars 2023 à mars 2024.
« Les collectivités et leurs représentants demandent un dialogue et un suivi renforcé au niveau de la région », affirme Valérie Létard, sénatrice (UDI) du Nord et présidente de la mission sénatoriale sur le ZAN. Pour mieux associer les collectivités à l’échelon régional, la conférence des Scot serait transformée en « conférence régionale du ZAN », associant plus les communes et les intercos. Elle serait tenue de se réunir au moins une fois par an pour suivre les trajectoires du ZAN, mettre à disposition de la région des avis sur certaines décisions (modification du Sraddet, grands projets, projets mutualisés…) et servir de lieu de dialogue pouvant être saisi par les collectivités.
Un filet de sécurité pour les communes rurales
Pour éviter une simple application comptable du ZAN, les sénateurs prônent l’instauration d’un « plancher » de droits, « au titre duquel aucune commune ne pourra disposer d’une enveloppe inférieure à un hectare à l’issue de la territorialisation ». Objectif : offrir un filet de sécurité aux communes rurales et petites qui auraient consommé moins de deux hectares au cours de la dernière décennie. Elle n’abonderait pas les droits des communes plus consommatrices. Ce plafond serait fixé par le Scot ou, pour les territoires hors-Scot, par la région. Il s’appliquerait également aux objectifs fixés par les PLU-I.
De plus, il est proposé de mettre en place, au sein des Scot et des PLU-I, une « part réservée » aux projets d’intérêt territorial. Objectif : abonder de façon mutualisée les enveloppes d’artificialisation des communes porteuses de ces projets, lorsque leurs enveloppes propres ne suffisent pas. Pour les communes en dehors des Scot ou des PLU-I, la part réservée serait mise en œuvre au niveau régional.
Un « droit de préemption ZAN »
Les collectivités pourraient, si l’État ne leur transmet pas sous six mois les données complètes nécessaires, continuer à utiliser les données locales préexistantes relatives à l’artificialisation ou la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers.
Autre mesure préconisée : la création d’un « sursis à statuer ZAN » pour suspendre la délivrance de permis pour des projets contraires aux objectifs ZAN d’une commune ou d’un EPCI, avant que son document ne soit révisé. De même, un « droit de préemption ZAN » permettrait, dans certains périmètres, de réserver le foncier présentant un potentiel fort pour l’atteinte de ces objectifs
Un « compte foncier national »
Les grands projets d’envergure nationale et européenne seraient placés dans un « compte foncier national » spécifique, pas imputé aux enveloppes de la région et des collectivités. C’est la région qui déciderait de la qualification des projets, après avis de la conférence régionale du ZAN.
De plus, il serait donné aux communes, intercos et départements un « droit de proposition » envers la région, pour proposer des projets à la mutualisation. Là aussi, ces projets seraient soumis à l’avis de la conférence régionale du ZAN pour assurer la cohérence des choix.