Le « oui mais » des association d’élus locaux à Élisabeth Borne

Philippe Pottiée-Sperry
Image
Le « oui mais » des association d’élus à Élisabeth Borne

La main tendue par la Première ministre est appréciée par les associations d’élus locaux. Mais elles restent prudentes et posent leurs conditions, en particulier sur le volet financier. A ce sujet, elles dénoncent la suppression de la CVAE. 
 

Partager sur

Dans son discours de politique générale au Parlement, le 6 juillet, la Première ministre a tendu la main aux élus locaux sur la méthode en voulant les associer davantage et cela sur de nombreux sujets. Une démarche appréciée des associations d’élus locaux même si la prudence reste de mise. Dans la foulée de la déclaration de politique générale, l’AMF en a « pris acte » tout en affirmant qu’au-delà des mots « les maires attendent des actes ». Et de l’illustrer en estimant qu’« une première manifestation de cette bonne volonté consisterait pour le gouvernement à intégrer dans le processus de fabrication puis d’évaluation des textes législatifs et réglementaires le comité législatif local que vient de créer l’AMF ».

Demande d’un « dialogue fécond avec l’exécutif »
Vigilante, l’Association des maires de France se dit prête néanmoins à « un dialogue fécond avec l’exécutif » afin que « la décentralisation et la différenciation ne restent pas des vœux pieux ». Lui demandant de rompre avec des « logiques descendantes qui ont placé les collectivités dans une position de sous-traitantes de l’Etat », elle l’appelle « à faire de la subsidiarité le principe structurant de l’action publique ».
Moins sévère, Intercommunalités de France a tenu à saluer l’importance donnée à la différenciation locale et la transition écologique territoriale dans le discours de politique générale de la Première ministre. 

Les régions satisfaites
De même, Régions de France salue « la volonté affichée de reprendre le dialogue avec les élus » en étant « prête à un dialogue constructif avec le gouvernement dont elle attend des actions concrètes et immédiates ». Elle se satisfait du « premier signal positif » donné avec la réunion prévue, à Matignon le 20 juillet, de tous les présidents de région. Sa présidente, Carole Delga, plaide pour « renouer avec la stabilité et le dialogue » dans le but d’« une nouvelle gouvernance et d’une autre manière de travailler ensemble ».
Sur le même registre, François Sauvadet, président de Départements de France, a affirmé, sur Twitter partager la volonté de la Premier ministre « d’une relation Etat/territoires fondée sur le respect, le dialogue et la coopération, la nécessité de donner plus de poids aux élus locaux ». 

Décentralisation du logement
Par ailleurs, l’association présidée par David Lisnard se réjouit de l’intention affichée par Élisabeth Borne de mettre en place un nouvel acte de décentralisation mais tout en demandant de ne pas le limiter à la seule politique du logement. Cette annonce satisfait Intercommunalités de France qui voit d’un bon œil l’idée de « concentrer les moyens et les responsabilités à l’échelle des bassins de vie, tout en étant exigeants pour qu’elles permettent aux projets de sortir de terre ». Selon l’ex-AdCF, une décentralisation du logement et de l’habitat permettrait « de mettre en cohérence des politiques encore très nationales avec les outils de planification locaux (PLU-I, PLH) dans un contexte où un nombre croissant d’intercommunalités se voient déléguées les aides à la pierre et se mobilisent pour la rénovation énergétique des logements ».

Tir de barrage contre la suppression de la CVAE
Sans surprise, les élus locaux sont vent debout contre la suppression de la CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises). Cette suppression confirmée pour 2023 contre une compensation de l’Etat « ferait reculer encore davantage l’autonomie fiscale et financière des communes et intercommunalités », dénonce l’AMF. Et d’ajouter : « continuer à mettre les collectivités territoriales sous la tutelle financière d’un État surendetté n’est pas acceptable et démotivera les efforts locaux d’accueil d’entreprises et de réindustrialisation ». L’AMF continue de réclamer une profonde réforme de la fiscalité locale en accord avec les trois grandes associations d’élus locaux. 
Intercommunalités de France refuse également la perspective de suppression rapide de la CVAE. Elle argumente sa position en estimant que « cette réforme ne bénéficiera pas aux PME composant les tissus économiques locaux. Prélevée sur la valeur ajoutée, la CVAE intervient en fin de parcours et ne constitue donc pas un impôt de production ». L’ex-AdCF pointe aussi la faible visibilité sur les modalités de compensation de cette suppression, évoquant l’hypothèse d’un remplacement par de la TVA, mais non confirmée pour l’instant. 

Indexer la DGF sur l’inflation
Dans le contexte de baisse des recettes et d’augmentation des dépenses des collectivités, notamment dans le contexte inflationniste actuel, l’Association des maires de France réitère sa demande d’une indexation de la DGF sur l’évolution de l’inflation.
Toujours au chapitre financier, l’AMF se satisfait de l’absence de référence, dans la déclaration de la Première ministre, d’un effort demandé aux collectivités de 10 Md€ sur leurs dépenses de fonctionnement, durant le quinquennat, comme cela avait été évoqué durant la campagne présidentielle. Elle parle ainsi d’une « première avancée ».

Niet des régions et départements au conseiller territorial
Pour sa part, Régions de France souhaite que la réforme annoncée de Pôle emploi « donne aux régions l’autorité leur permettant de coordonner l’ensemble des acteurs du service public de l’emploi sur leur territoire ». Au chapitre des mobilités, elles demandent au gouvernement des financements supplémentaires, en particulier pour le réseau ferroviaire.
Sur le champ institutionnel, l’association apprécie les propos de la Première ministre sur la Corse et estime que « le dialogue doit permettre d’avancer vers une autonomie progressive ». En revanche, elle réfute l’idée du conseiller territorial en parlant d’une « fausse bonne idée » au motif qu’il s’agirait d’une « réforme devenue inapplicable et qui ne peut qu’entretenir de la confusion entre le rôle des départements et celui des régions ». Même refus catégorique de la part de François Sauvadet réaffirmant sur Twitter son « opposition à titre personnel au conseiller territorial, synonyme de mort des départements ». 

Philippe Pottiée-Sperry
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire