Les départements signent à leur tour « un accord de méthode » avec l’Etat

Philippe Pottiée-Sperry
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Le Premier ministre a signé, à la Rochelle, mi-décembre, un accord de méthode avec l’Assemblée des départements de France (ADF) qui porte sur trois sujets : la relance, les évolutions institutionnelles et les questions financières.

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Dans le cadre de la préparation du projet de loi 4D (décentralisation, différenciation, déconcentration et décomplexification), qui devrait être présenté au conseil des ministres fin janvier, début février, il fait suite à celui déjà signé, en septembre dernier, avec les régions. « Cet accord est emblématique de la déclinaison de France relance sur le territoire. Il ouvre la voie à tous les départements qui voudront s'engager aux côtés de l'État. Mais il nous faut aller vite, car c'est dès maintenant que la relance doit produire ses effets », a estimé Jean Castex dans un long discours, très élogieux à l’égard des départements, notamment sur leur rôle durant la crise sanitaire.

Transferts de compétences

L’accord de méthode liste une série de compétences qui pourrait être transférée aux conseils départementaux dans les secteurs du social, du médico-social, du logement, de l’enfance et de la famille ou des transports. Le futur projet de loi 4D devrait ainsi conforter le rôle de chef de file en matière sociale des départements. Avant de s’effectuer, certains transferts de compétences importants pourraient faire l’objet d’expérimentations comme la gestion des Ehpad par les départements. Jean Castex a aussi annoncé qu'une expérimentation serait lancée d'ici 2022 pour recentraliser le RSA afin de soulager les départements les plus en difficulté. Cela devrait se faire en contrepartie d’un engagement plus important des départements sur les politiques d’insertion.

Un volet sanitaire

Conséquence de la crise du Covid-19, le projet de loi 4D va prévoir un volet sanitaire. L’accord de méthode propose ainsi de conforter la place des conseils départementaux, et plus globalement des élus locaux, dans la gouvernance des établissements de santé et des ARS (agences régionales de santé). Une demande plusieurs formulée par les associations d’élus ayant fortement critiqué le fonctionnement des ARS durant la crise sanitaire et leur manque de transparence. L’accord prévoit aussi de permettre aux départements de contribuer à la politique publique de sécurité sanitaire par l’intermédiaire des laboratoires départementaux d’analyse et des groupements de défense sanitaire. Autres propositions formulées : créer une compétence de lutte contre les zoonoses dans le code rural et de la pêche maritime ; permettre aux collectivités volontaires, notamment les départements, de contribuer au financement de l’immobilier des établissements de soin ; faciliter le soutien aux structures de soins de proximité et offrir dans ce cadre des capacités de recrutement de personnel soignant…

Enfance et famille

Au chapitre de l’enfance et de la famille, il est envisagé une décentralisation de la médecine scolaire en transférant aux départements l’ensemble des actions de prévention individuelle et collective ainsi que de promotion de la santé auprès des enfants scolarisés dans les établissements scolaires du premier et du second degré. Autre mesure : rattacher les directeurs des instituts départementaux de l’enfance et de la famille (IDEF) à la FPT et non plus à la FPH. L’accord plaide aussi pour renforcer la place des départements dans une nouvelle gouvernance nationale de la protection de l’enfance (regroupement des actuels GIP Enfance en danger, GIP Agence Française de l’Adoption, Conseil national de la protection de l’enfance, Conseil national d’accès aux origines personnelles).

Grand âge et autonomie

En matière de grand âge, les propositions d’évolutions s’inscrivent dans une réforme globale du secteur liée à la création d’une cinquième branche de sécurité sociale dédiée à l’autonomie ainsi qu’à une évolution de la gouvernance et du financement des établissements, du maintien à domicile et de l’habitat « inclusif ». Dans ce contexte, le gouvernement propose de structurer un bloc de compétences cohérent au profit des départements sur les services de soutien à domicile et le logement inclusif et/ou partagé, et de leur confier le rôle d’animation des politiques du « bien vieillir » sur les territoires en renforçant leur rôle de soutien des compétences exercées dans ce domaine (cadre de vie, urbanisme, transports, etc.) par les communes et les intercommunalités. Il suggère aussi d’expérimenter des délégations de compétences entre les ARS et les départements sur les SPASAD comme la gestion complète des Ehpad par les départements.

Transports, logement et transition écologique

En matière de transports, il est prévu de transférer aux départements volontaires des tronçons de routes nationales « pour assurer la mise en cohérence du réseau ». Pour le logement, l’accord propose de permettre aux intercommunalités de déléguer, de manière volontaire et en accord avec le département, leur compétence en matière d’élaboration du programme local de l’habitat (PLH). Le département pourrait alors élaborer un PDH (dont le contenu et les droits associés seraient identiques au PLH sur une partie seulement de son territoire), là où les intercos ont délégué la compétence.

Enfin, en matière de transition écologique, il serait reconnu aux départements un rôle concernant la santé, l’habitat et la lutte contre la précarité, en lien avec leurs compétences. Ils pourraient aussi agir par subsidiarité en cas d’absence d’intervention des EPCI et avec l’accord de ces derniers sur les compétences du bloc local en matière de transition écologique.

Plusieurs mesures de soutien financier

L’accord rappelle que la 3ème loi de finances rectificatives fournit, en 2020, à 40 départements un acompte sur l’avance de DMTO (droits de mutation à titre onéreux). En complément, il acte plusieurs mesures à mettre en œuvre en 2021. Il s’agit tout d’abord d’un abondement par l’État du fonds de péréquation des DMTO de manière à ce que les ressources de ce fonds atteignent bien 1,6 Md€ en 2021. Autre mesure prévue : un soutien aux départements subissant les charges les plus importantes en dotant le fonds de stabilisation à hauteur de 200 M€ en 2021. « Les paramètres de répartition du fonds ont été définis en concertation avec l’ADF, comme l’avait recommandé le rapport Cazeneuve », précise l’accord. En outre, la répartition du fonds 2020, à hauteur de 115 M€, a été effectuée et les fonds doivent être versés prochainement.

Enfin, l’accord prévoit la suppression de la surcotisation patronale sur la prime de feu, générant une économie de 38 M€ pour les départements comme l’étalement sur cinq ans de la charge des allocations individuelles de solidarité liée à la crise. L’accord indique également que 300 M€ de dotation d’investissement sont à mettre en œuvre en 2021 dans le plan de relance pour financer des travaux de rénovation énergétique de bâtiments départementaux.

Premier accord départemental de relance avec la Charente-Maritime

Dans la foulée de cet accord de méthode, Jean Castex et Dominique Bussereau, le président de l’ADF, ont signé le premier accord départemental de relance avec la Charente-Maritime, présidée par le patron de l’ADF. « Il constitue le premier accord de relance signé au niveau national avec un conseil départemental et a comme première vocation d’illustrer de manière concrète la territorialisation du plan de relance souhaité par l’État », indique le communiqué de presse de Matignon. « L’accord de méthode est aussitôt mis en œuvre via la signature d'un accord départemental de relance pour la Charente-Maritime. Des engagements concrets pour soutenir de nombreux projets environnementaux, des actions de compétitivité et des mesures de cohésion territoriale programmés dans notre département ! », a salué Dominique Bussereau.

Dissensions au sein de l’ADF

Dans la foulée de l’accord de la méthode, Jean-Luc Gleyze, président du département de la Gironde et du groupe de gauche de l’ADF, a reproché à Dominique Bussereau une signature faite « en catimini » et un texte n’allant pas assez loin. Selon lui, « il ne peut être imaginable, dans une assemblée de gouvernance démocratique que cet accord n’ait pas fait l’objet d’un vote collectif en assemblée générale ». Dans sa réponse, le président de l’ADF a reconnu que « le document ne reprend pas la majorité de nos propositions. Je le constate comme vous mais ce que nous avons obtenu a été le fruit d'âpres négociations et d'arbitrages favorables du Premier ministre très souvent contre les ministères concernés ». Sur les mesures financières, « nous sommes parfaitement d'accord », affirme-t-il, avant d’ajouter : « C'est une première et insuffisante étape mais notre bureau a considéré, à juste titre, qu'il fallait prendre le peu qui avait été difficilement obtenu ».

Philippe Pottiée-Sperry

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