Le Sénat défend un moratoire sur les décrets ZAN

Philippe Pottiée-Sperry
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Le Sénat défend un moratoire sur les décrets ZAN

Interpellation du gouvernement, table-ronde avec les élus, consultation, rapports : les sénateurs sont sur tous les fronts pour exiger une réécriture des décrets ZAN. Selon eux, ils ne respectent pas l’esprit de la loi « Climat ».

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« Les élus déplorent l’absence de concertation et le fossé existant entre l’esprit de la loi et la rédaction des décrets ». Fort de ce constat sévère sur le dossier brulant du ZAN (zéro artificialisation nette des sols), les groupes Les Républicains et Union Centriste du Sénat ont demandé au gouvernement, début août, un moratoire suspendant les décrets d’application sur le ZAN pour les réécrire en respectant l’esprit de la loi. Bruno Retailleau et Hervé Marseille, les présidents de ces deux groupes, estiment que « sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, les collectivités ont besoin de réalisme, de clarté et de stabilité ».

Absence de consultation des collectivités
Les résultats de la récente consultation des élus locaux organisée par le Sénat sont « sans appel », selon eux. Ne contestant pas la nécessité de l’objectif de sobriété foncière, la majorité sénatoriale défend la réécriture des deux décrets du 30 avril dernier sur le ZAN afin que la loi « Climat » « soit pleinement respectée ». Et de dénoncer « l’absence de consultation des collectivités locales, pourtant concernées au premier chef, et la distance prise par le gouvernement avec l’esprit et parfois même la lettre de la loi [qui] constituent de vives sources d’inquiétude et une atteinte au travail du Parlement ».

Ouverture de Christophe Béchu
Sur le sujet, le gouvernement semble prêt à bouger. Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, s’est ainsi déclaré ouvert « à la réécriture d’une partie » des décrets ZAN, au Sénat lors des questions au gouvernement du 13 juillet. Tout en affirmant vouloir respecter l’objectif fixé par la loi « Climat » « d’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050 ». 
Satisfaits, les sénateurs demandent au gouvernement d’accélérer et d’instaurer rapidement un moratoire sur ces décrets ZAN jusqu’au 1er septembre 2023 pour procéder à leur réécriture.
 
Travail de lobbying
Ils poursuivent ainsi leur travail de lobbying contre ces textes. Le 27 juillet, une table ronde organisée par la commission des affaires économiques du Sénat, déjà à l’initiative de la consultation auprès des élus locaux, s’est penchée sur le déploiement des objectifs du ZAN dans les documents d'urbanisme des communes et des intercommunalités. Elle a réuni plusieurs associations d’élus : AMF, AMRF, Intercommunalités de France (ex AdCF) et France urbaine. 
Cette dernière, représentée par Annette Laigneau, vice-présidente de Toulouse Métropole en charge de l'urbanisme, estime que « la loi impose une approche trop descendante et injonctive à l’égard des territoires ». Et de plaider pour « une démarche basée sur la contractualisation et partant de l’expression des projets de territoire ». 

Des conventions de sobriété foncière ?
France urbaine propose que les objectifs de réduction du rythme d’artificialisation des sols soient fixés au sein d’une convention de sobriété foncière qui, partant du projet de chaque territoire, soit adossée aux CRTE (contrats de relance et de transition écologique). « Ces conventions permettraient, d’une part, d’intégrer dans la démarche l’ensemble des acteurs du territoire (associations locales, ONG, promoteurs, aménageurs...) et, d’autre part, de mobiliser les moyens techniques et financiers, notamment ceux pouvant être mis à disposition par l’Etat, au service de cette démarche », a indiqué Annette Laigneau.

Définir un modèle fiscal et financier
Le rapport de la Commission des finances du Sénat « ZAN : un modèle économique à définir sans délai », piloté par le sénateur Jean-Baptiste Blanc et publié fin juin, juge également urgent de définir « un modèle fiscal et financier accompagnant l’objectif de réduction de l’artificialisation ». Il estime que « certains dispositifs budgétaires et fiscaux nationaux vont dans la bonne direction, mais demeurent insuffisants ». Ainsi, la présentation des crédits budgétaires ne permet pas de déterminer exactement le montant des crédits budgétaires contribuant à l’objectif ZAN. Et de plaider pour mieux identifier, dans les documents budgétaires, les dépenses de toutes natures contribuant à cet objectif et préciser le dispositif de performance. 
Parmi une dizaine de propositions, le rapport suggère d’introduire un critère ZAN dans les aides attribuées par le fonds national des aides à la pierre (FNAP) ou de mieux identifier dans le budget de l’État les dépenses contribuant à atteindre l’objectif ZAN ou, au contraire, qui y sont défavorables. Il propose aussi de prévoir un indicateur de performance consacré à l’utilisation des crédits de l’État en faveur de l’objectif ZAN. 

Refus d’un impôt ZAN
Les questions du financement et des conséquences financières du ZAN ont également été abordées lors de la table-ronde en soulignant la forte inquiétude des élus sur le sujet notamment avec les risques de spéculation foncière. Pour plus de lisibilité et d’efficacité, France urbaine appelle l’Etat à prévoir « des moyens financiers suffisants pour la mise en œuvre réelle de ses objectifs et déployer l’outil OCSGE d’observation et de mesure de l’artificialisation, indispensable pour mesurer et évaluer de manière unique sur l’ensemble du territoire national ». Par ailleurs, les élus locaux refusent toute perspective d’un impôt ZAN. 

Rencontre avec Elisabeth Borne
Lors d’une rencontre de David Lisnard, président de l’AMF, avec la Première ministre, le 5 août, celui-ci a insisté sur « la nécessité » de réécrire les décrets ZAN et demandé le report d’un an de l’adoption des SRADDET. Un délai « indispensable », selon lui, pour « éviter la mise en place d’un système qui ferait des territoires les plus ruraux ou les plus vertueux en termes de réduction passée de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers, la variable de compensation des territoires les plus urbains, au détriment d’un développement territorial équilibré ». Pas de réponse pour l’instant d’Elisabeth Borne sur le sujet qui s’est néanmoins déclarée « consciente de la nécessité de trouver les bonnes modalités de concertation ».

Philippe Pottiée-Sperry
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