Élisabeth Borne cherche le soutien des élus locaux
La Première ministre a rencontré les associations d’élus pour avancer sur un agenda territorial commun. Au menu également plusieurs annonces dont la pérennisation du Fonds vert comme la présentation d’un plan ruralité et d’un autre sur les quartiers « d’ici l’été ».
« Les élus locaux ont un rôle essentiel ». En cette période difficile pour l’exécutif, avec la crise politique et sociale provoquée par la réforme des retraites, la Première ministre a joué sur la corde sensible en accueillant les représentants de neuf associations (1), le 12 avril, à Matignon. Au-delà des mots aimables, elle leur a aussi annoncé de bonnes nouvelles comme la pérennisation en 2024 du Fonds vert qui rencontre un vrai succès auprès des collectivités.
Au programme également : la construction d’un agenda territorial commun ou les actions en faveur des quartiers et des territoires ruraux. Élisabeth Borne était accompagnée des ministres Christophe Béchu (Transition écologique et cohésion des territoires), Olivier Klein (Ville et Logement) et Dominique Faure (Collectivités et Ruralité).
Agenda territorial
Organisée dans le cadre des concertations pour proposer « un programme de gouvernement et un nouvel agenda parlementaire », la réunion a permis aux élus d’évoquer notamment les priorités du pouvoir d’achat, de l’accès aux soins, des transports ou de l’éducation. « Des priorités sur lesquelles ils considèrent qu’un dépassement des clivages doit être recherché », tient à préciser le compte rendu de Matignon.
Selon la Première ministre, « l’agenda territorial défini à partir des propositions des associations d’élus donnera la visibilité et la clarté indispensables pour favoriser la mobilisation commune de l’Etat et des collectivités face aux attentes des Français ». Parmi les sujets abordés : les moyens de valoriser l’engagement des élus et de mieux les protéger face aux violences dont ils font l’objet, la nécessité de garantir l’égalité des chances dans tous les territoires.
Début mars, Christophe Béchu avait défini les cinq chantiers de l’agenda territorial (institutions, finances locales avec notamment la réforme de la DGF, cohésion des territoires, transition écologique et aménagement du territoire) se voulant une nouvelle « méthode de travail de droit commun » entre l’État et les collectivités.
Réelle « justice territoriale »
Pour assurer une réelle « justice territoriale », le gouvernement s’engage à présenter « d’ici l’été » deux plans en faveur des quartiers de la politique de la ville (QPV) et des territoires ruraux. L’actualisation de la géographie prioritaire (zones de revitalisation rurale – ZRR – et QPV) est engagée en vue de son adoption législative d’ici la fin d’année, a-t-il été précisé. Un comité interministériel de la ville (CIV) se tiendra en juin, comme le réclamait encore récemment l’association Ville et Banlieue. « J’ai réattiré l’attention de la Première ministre sur la situation sociale dans notre pays, en particulier dans les villes populaires, et la nécessité de prendre des mesures d’urgence pour trouver des remèdes », a affirmé son président Gilles Leproust, le lendemain au micro de France Bleue.
La prolongation du dispositif des ZRR, qui arrive à échéance fin 2023, satisfait les maires ruraux. Michel Fournier, le président de l’AMF, insiste sur « le retour à l’échelle communale ». A l’instar des programmes Action Cœur de ville (villes moyennes) et Petites villes de demain, l’AMRF demande également la création d’un programme dédié « Villages d’avenir ». « Si l’Etat vient en appui, il ne doit pas être seul. Les régions et les départements doivent être solidaires, à travers un label, pour permettre l’investissement et un fonctionnement plus efficace pour maintenir ou créer des services indispensables aux populations », estime l’association dans un communiqué. Elle insiste aussi pour renforcer le statut de l’élu.
Planification écologique
La rencontre a également abordé le sujet de la transition écologique. « La réussite de la planification écologique se jouera avec les collectivités, responsables d’une part essentielle de la mise en œuvre des grands chantiers du plan ‘France Nation Verte’ », indique Matignon. La réunion a permis de définir un agenda de travail commun de l’Etat et des collectivités sur les principaux objectifs et jalons de la planification écologique, et les leviers pour y parvenir.
Le gouvernement a aussi annoncé la pérennisation du fonds vert au-delà de la seule année 2023, « afin d’accompagner au mieux la mobilisation de l’investissement public local pour la planification écologique », précise encore Matignon
Satisfaction des élus locaux
Malgré certaines prudences, la plupart des associations d’élus apparaissaient satisfaites à l’issue de la réunion, en évoquant des « échanges constructifs ». François Sauvadet, le président de Départements de France, a jugé Elisabeth Borne « pragmatique et très à l’écoute des élus locaux ». Mais en insistant sur le besoin de financement des mesures de l’agenda territorial.
Evoquant « une réunion constructive et constructrice », Renaud Muselier, président délégué de Régions de France, se réjouit du « climat de coopération entre l’Etat et les collectivités » et de « la méthode Borne ». Plaidant pour « un pacte de gouvernement Etat-territoires », « sans forcément passer par la loi », il juge « les conditions réunies pour que nous allions ensemble un cran plus loin, en nous donnant des responsabilités, des compétences et des moyens ».
« Fracturé et profondément inquiet, le pays a besoin d’être apaisé, de cohésion sociale et territoriale. France urbaine soutiendra les initiatives qui iront en ce sens », a réagi sa présidente Johanna Rolland.
« Faire confiance aux territoires »
Pour Villes de France, son président Gil Avérous a également salué « la volonté de concertation du gouvernement et le lancement de l’Agenda territorial qui permettra de travailler ensemble sur de nombreux sujets » mais en appelant à « une meilleure lisibilité et organisation des réunions de concertation qui se tiennent en ce moment pour qu’elles soient opérationnelle ».
Demandant de « faire confiance aux territoires », Gil Avérous défend « la définition d’une stratégie des politiques publiques claire, une véritable autonomie financière, un financement assuré des projets sur plusieurs années, un renforcement du couple maire-préfet avec un préfet qui sera un interlocuteur de proximité qui pourra engager la parole de l’État et aura donc autorité sur les différentes agences de l’État ». Il plaide également pour plus de différenciation et d’expérimentation.
Pas de retour des contrats de Cahors
Par ailleurs, les associations d’élus ont insisté auprès de la Première ministre pour garantir l’autonomie fiscale des collectivités. Affirmant « partager la nécessite de définir une trajectoire financière et budgétaire responsable », France urbaine appelle à « rétablir les conditions d’un dialogue sincère et trouver un accord sur la méthode de travail ». Alors que Bercy a annoncé la tenue d’Assises des finances publiques, Johanna Rolland a redit « sa totale opposition à toute tentative de contractualisation ». Et de saluer l’annonce de la Première ministre « ayant exclu cette éventualité en indiquant qu’il n’y aura pas de nouveaux contrats de Cahors ».
Lors de la réunion, François Sauvadet a également réaffirmé son « opposition à tout retour à l’esprit des contrats de Cahors qui viserait à contraindre les dépenses », regrettant les propos de Bruno Le Maire « qui laisse entendre que les collectivités dépenseraient l’argent public de manière inconsidérée ».
(1) AMF, AMRF, APVF, Départements de France, France Urbaine, Intercommunalités de France, Régions de France, Villes de France et Ville et Banlieue.